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CHAPITRE XI
LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

I
Averroès et la chute des graves

La chute accélérée des graves jouera, dans la création de la Dynamique moderne, un rôle d’une extraordinaire importance ; c’est en étudiant cette chute que les mécaniciens seront amenés à formuler cette proposition, qui porte, pour ainsi dire toute leur science : Une force constante produit un mouvement uniformément accéléré.

Or, nous l’avons dit[1], les Anciens n’avaient rien écrit qui pût, si peu que ce fût, soulever le voile qui leur cachait cette vérité. Leur raison continuait à regarder comme évidente la proposition qui servait d’axiome à la Dynamique d’Aristote : En agissant sur un mobile immuable, une force constante lui communique un mouvement uniforme ; d’un tel mouvement, la vitesse est proportionnelle à la force agissante. Lors donc qu’ils voyaient croître d’un instant à l’autre la vitesse avec laquelle tombe un corps grave, ils en concluaient que le poids de ce grave croît, lui aussi, d’un instant à l’autre ; c’est une conséquence que Simplicius et Thémistius n’hésitaient pas à formuler. Le seul problème qui se posât à leur esprit était alors la recherche de la cause qui communique au poids cet accroissement incessant.

Si la lecture d’Aristote et de ses commentateurs ne pouvait suggérer aux maîtres de la Scolastique latine une saine théorie de la chute des graves, l’étude des commentaires d’Averroès en était encore moins capable. Le philosophe de Cordoue se montre fort peu prodigue de renseignements au sujet de l’accé-

  1. Voir première partie, ch. VI, § VII ; t. I, p. 397.