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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

bilité ; selon lui, cet accroissement de forme a même cause que la forme elle-même, et cette cause est celle qui a engendré le corps grave ou léger : « On peut démontrer d’une manière naturelle[1], à l’aide des mouvements des corps simples et des corps physiques, comme la terre, et le feu et autres corps semblables, que le lieu est une réalité. Du mouvement de ces corps, en effet, on tire la preuve non seulement que le lieu est une réalité, mais encore qu’il possède une certaine propriété par laquelle la forme des corps qui se meuvent vers lui reçoit son complément. Tout corps physique, en effet, dès là qu’il n’en est pas empêché, se meut vers son lieu propre et naturel comme vers ce qui doit lui donner sa forme parfaite. Autant donc ce corps reçoit de forme de la part de sa cause génératrice, autant il reçoit de lieu. Une seule et même cause génératrice, en même temps qu’elle donne une forme à ce corps, lui donne un lieu où cette forme sera complétée et conservée. »

Saint Thomas d’Aquin, comme tous les péripatéticiens qui lui ont succédé, invoque[2] l’accélération du mouvement naturel afin de prouver que ce mouvement ne saurait se poursuivre à l’infini. Il ajoute les considérations suivantes, où nous reconnaissons un résumé des commentaires de Simplicius[3] : « Il faut savoir qu’à cet accident, à ce fait que la terre se meut d’autant plus vite qu’elle descend davantage, Hipparque a assigné pour cause cela même qui a mû violemment le corps ; plus, en effet, le mouvement se prolonge, moins il demeure de la vertu du moteur, et ainsi le mouvement se ralentit. C’est pour cette cause que le mouvement violent est plus puissant au début ; vers la fin, il s’affaiblit de plus en plus, et un moment arrive où le grave ne peut plus être porté vers le haut ; il commence alors à descendre, à cause de la petitesse de ce qui demeure de la vertu communiquée par le moteur, auteur du mouvement violent ; plus cette vertu va s’affaiblissant, plus le mouvement contraire devient rapide.

» Mais cette raison n’est pas générale ; elle s’applique seulement aux corps qui, après un mouvement violent, se meuvent

1. B. Alberti Magni Op. lattd., lib. I, tract. I, cap. II : De probatione quod locus sit aliquod in natura.

2. Sancti Thomæ ab Aquino Commentaria in libros Aristotelis de Cælo et Mundo, lib. I, lect. XVII.

3. Les commentaires au De Cælo composés par Simplicius avaient été, en 1271, traduits du grec en latin par Guillaume de Morbeka, qui était l’ami de Saint Thomas d’Aquin. Celui-ci put dont les utiliser et les utilisa largement, en son propre commentaire au De Cælo. Ce commentaire fut, en effet, le dernier ouvrage du Docteur Angélique ; lorsque celui-ci mourut, en 1274, cet écrit demeura inachevé.

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