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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

» Et tele qualité est cause des choses jettées quant elles sont hors de la main ou de l’instrument sicomme J’ay monstré autreffois sus le VIIe de Phisiques. »

Nous retrouvons, en ce passage, tous les principes de Dynamique que professent et défendent les écrits de Buridan et d’Albert de Saxe ; nous y trouvons même des considérations sur les oscillations d’une pierre qu’on laisse tomber en un trou qui perce la terre de part en part ; ces considérations, fort analogues à une remarque faite par Albert de Saxe, devinrent sans doute classiques à l’Université de Paris, où elles piquaient vivement la curiosité des étudiants ; Didier Érasme, qui les avait apprises à Montaigu, les reproduira en ses Colloques, et Maurolycus les empruntera aux Colloques d’Érasme.

Elles plaisaient singulièrement, d’ailleurs, à Maître Nicole Oresme, car il les a développées une seconde fois d’une manière un peu plus détaillée.

« Je pose », dit-il[1], « que la terre fust percée et que l’en veist par un grand treu tout de oultre en oultre sicques de l’autre part où seroient les antipodes si la terre estoit partout habitée. Je di premièrement si l’en lessoit cheoir une pierre par ce treu, elle descendroit et passeroit oultre ce centre en montant tout droit vers l’autre partie sicques à un terme, et puis retourneroit sicques oultre le centre par deçà, et après redescendroit arière et passeroit le centre moins que devant, et iroit et vendroit pluseurs foiz en appetiçant telles réflexions, sicques à tant finablement qu’elle reposeroit au centre.

» Et la cause est pour l’impétuosité et embruissement qu’elle a acquis par là cressance de l’isnelté de son movement jouxt ce que fut dit plus à plain ou XIIIe chapitre.

» Et ce peut-t-en entendre légièrement par une chose que nous veions sensiblement ; car si une chose pesante est pendue à une longue corde, si l’en la boute avant, elle branle et vient et fait plusieurs réflexions tant que finablement elle repose au plus droit et au plus près du centre qu’elle peut. »

De l’enseignement de Buridan et d’Albert de Saxe, Nicole Oresme a très clairement et très correctement conclu comment Vimpetus intervenait dans l’explication des mouvements du pendule.

Il s’est montré moins fidèle disciple de Buridan, moins exact imitateur d’Albert, dans ce qu’il dit du mouvement des projec-

  1. Nicole Oresme, Op. laud., livre II, ch. XXXI ; ms. cit., fol. 95, col. b et c.