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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Un corps dont les parties sont cohérentes se rejette directement en arrière, s’il est heurté dans son mouvement. — Cela se produit par l’effet du milieu au sein duquel le corps se meut, que ce milieu soit l’eau ou l’air, et aussi à cause de la plus grande raréfaction des parties [du projectile].

» Soient A le projectile, B le milieu qu’il traverse et C l’obstacle qu’il vient heurter. A met B en mouvement ; puis donc que A quitte le lieu qu’il occupait et chasse B du lieu où il se trouvait, il faut que B se retourne en arrière pour remplir le lieu que A laisse derrière lui. La même impulsion a donc pour effet et de chasser E en avant et de le rejeter en arrière par un mouvement tournant, et cela d’autant plus que l’impulsion est plus forte. Au moment où A vient heurter C, B ne peut plus avancer ; le poids qui le surmonte le comprime, alors et le rend plus pesant ; mais l’impétuosité de A se trouve brisée par l’obstacle C ; B n’est plus pressé que par le poids seul de A ; il est alors en état de rejeter en arrière ce projectile, à moins que le poids n’en soit trop fort ; il le rejette normalement, car B recule également de tous côtés.

» La dilatation des parties du mobile produit le même résultat ; en effet, les parties du mobile A qui se trouvent en avant sont les premières qui heurtent l’obstacle C ; elles se trouvent alors pressées par la masse et par l’impétuosité des parties qui se trouvent derrière elles, ce qui les oblige à se condenser ; l’impétuosité des parties postérieures se trouve ainsi amortie ; les parties antérieures, reprenant leur volume primitif, reviennent en arrière en communiquant aux autres une impulsion. Si les parties qui ont été ainsi comprimées sont susceptibles de se détacher les unes des autres, elles rejaillissent de-ci et de-là. »

Du rebondissement qui suit le choc, nous avons ici, successivement, et comme l’auteur même a pris soin de nous l’annoncer, deux explications bien différentes.

La première résulte des tendances générales de la Dynamique péripatéticienne, de cette Dynamique qui, sur le compte de l’agitation du milieu fluide, veut mettre toutes les particularités du mouvement d’un corps solide qui le traverse. À cette agitation du milieu, Aristote et bon nombre de ses commentateurs ont attribué la persistance du mouvement des projectiles ; le Tractatus de ponderibus lui attribue l’accélération qui affecte la chute des graves ; Averroès y cherchera l’explication même de cette chute et Saint Thomas d’Aquin celle de la prétendue accélération initiale du mouvement d’un projectile ; à cette