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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

pour le problème posé par l’accélération qui se remarque dans la chute des graves.

L’explication de cette accélération à l’aide d’un impetus graduellement croissant paraît avoir trouvé peu de faveur en l’Université anglaise, si nous en jugeons, du moins, par les dires du Traité des six inconvénients.

Un important article[1] de ce traité est consacré à l’examen do cette question : L’accélération du mouvement d’un grave provient-elle d’une cause. certaine ?

L’auteur énumère les diverses causes qui peuvent être invoquées, qui ont été effectivement invoquées pour rendre compte de cette accélération : La diminution de la résistance du milieu, la continuation du mouvement, la proximité croissante du mobile à son lieu naturel, l’impulsion du milieu ébranlé, la gravité accidentelle que le poids acquiert en descendant, enfin l’appétit par lequel il désire son lieu.

À l’encontre de chacune de ces hypothèses, se dressent des objections que le Traité des six inconvénients examine et discute. Cette discussion n’est pas exempte de paralogismes ; en particulier, les principes de la Statique formulés par Jordanus de Nemore y jouent un rôle que des confusions verbales autorisent seules. Ainsi, pour démontrer que la pesanteur d’un grave ne saurait croître lorsque ce grave, en descendant, se rapproche de son Heu naturel, notre auteur emprunte à Jordanus cette proposition : La gravitas secundum situm d’un poids pendu à l’extrémité d’un fléau de balance diminue lorsque l’on relève ce fléau. Ailleurs il identifie formellement la gravitas secundum situm de Jordanus avec la gravité accidentelle que les Parisiens nommaient aussi impetus ; la même proposition lui sert alors à prouver que la gravité accidentelle ne peut croître tandis que le grave descend, comme le prétendent ceux qui invoquent cet accroissement de la gravité accidentelle pour expliquer l’accélération.

Cette discussion, confuse et peu logique, conduit à la conclusion suivante :

« Comme conclusion de cet article, voici ce que je réponds à cette question : L’accélération du mouvement d’un grave dépend-elle d’une cause certaine ? Si ce terme certaine est entendu avec une telle précision qu’il signifie : il y a une seule

  1. op. cit., quæst. cit., Articulus I : Utrum velocitatio motus gravis sit ab aliqua causa certa, Ms. no 6559, fol. 31, col. d, à fol. 33, col. d.