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CHAPITRE XII
LA PREMIÈRE CHIQUENAUDE

I
Les intelligences motrices des cieux. — D’Aristote
à Guillaume d’Ockam. — François de la Marche

Quand un corps inanimé se meut, c’est qu’il est mû par un moteur qui lui est extrinsèque ; chaque orbe céleste, corps inanimé, doit donc posséder, hors de lui, son moteur.

Chaque orbe céleste se meut d’un mouvement de rotation qui est uniforme et éternel ; partant, son moteur doit être éternel, toujours identique à lui-même, exempt de tout mouvement et de tout changement.

Dans un être éternel, absolument immuable, exempt de tout mouvement et de tout changement, il n’y a rien qui soit en puissance ; dès lors, cet être est exempt de toute matière ; il est intelligence pure.

Ainsi, à chaque orbe céleste correspond une pure intelligence, absolument séparée de la matière, immuable, immobile, qui est le moteur de cet orbe ; et cette intelligence est un dieu.

Voilà la doctrine théologique qui résume le huitième livre de la Physique et le onzième livre de la Métaphysique d’Aristote, qui couronne toute la Cosmologie péripatéticienne.

Ces intelligences, chargées de mouvoir les cieux,|toutes les philosophies néoplatoniciennes continueront d’en admettre l’existence ; elles seront seulement quelque peu déchues du rang suprême où Aristote les avait placées. Au-dessus d’elles, il faudra contempler les dieux supérieurs ; Plotin, dans ce domaine suréminent, mettra trois hypostases, l’Un, l’intelligence et l’Âme ; Proclus en comptera quatre, l’Un, l’Être, l’intelligence et l’Âme ; mais au-dessous de ces trois ou quatre hypostases qui seront, pour ainsi dire, les dieux de premier rang, les intel-