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LA PREMIÈRE CHIQUENAUDE

a cessé de la mouvoir ; mais par la résistance de l’air, et aussi par la pesanteur qui incline la pierre à se mouvoir en un sens contraire à celui vers lequel l’impetus a puissance de mouvoir, cet impetus s’affaiblit continuellement ; dès lors, le mouvement de la pierre se ralentit sans cesse. »

Il vient de répéter[1] :

« Une pierre lancée en l’air est mue, après qu’elle a quitté la main qui l’a jetée, par un impetus imprimé en elle ; mais la grande résistance qui provient tant du milieu que de l’inclination de la pierre vers un autre lieu, affaiblit continuellement cet impetus et finit par le détruire. »

L’affirmation est donc claire : Deux causes contribuent à détruire l’impetus primitivement conféré à un mobile ; ces deux causes sont :

1o Toute tendance analogue à la pesanteur qui incline le mobile à un autre mouvement que celui qui lui a été imprimé ;

2o Toute résistance du milieu.

Cette affirmation implique une contre-partie qui est celle-ci :

Si ces deux causes d’affaiblissement de l’impetus font simultanément défaut, l’impetus se conservera indéfiniment sans changement ni diminution.

Que Buridan admette l’exactitude de cette contre-partie, nous en avons également l’aveu de sa bouche[2] :

« Beaucoup de physiciens, vous le savez, supposent que le projectile, après avoir quitté le moteur qui l’a lancé, est mû par un impetus que ce moteur lui a donné ; il se meut tant que l’impetus est plus fort que la résistance ; cet impetus durerait indéfiniment s’il n’était diminué et détruit par quelque chose de contraire qui lui résiste ou bien quelque chose qui incline le mobile à un mouvement contraire. — Et in infinitum duraret impetus, nisi diminueretur et corrumperetur a resistente contrario vel ab inclinante ad contrarium motum. »

Dire que l’impetus demeure immuable, c’est dire que le mouvement, lui aussi, demeure immuable ; dans un mobile donné, les variations de grandeur de l’impetus suivent exactement les variations du mouvement. « De même que cette qualité[3] a été imprimée dans le mobile par le moteur, en même temps que le l~.Vide Supra, p. 32 ?.

2. In Metaphysicen Aristotelis Quæstiones argutissimæ Magistri Joannis Buridanï. Lib. XII, quæst. IX : Utrum quot sint motus cælestes, tôt sint intelligentiæ et econverso. Ed. cit., fol. LXXIII, col. a. Vide Supra, p. 330. 3. Vide Supra, p. 208.

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