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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

voici donc par quelle distinction il pense concilier les deux opinions :

« Sauf avis meilleur, on doit, ce me semble, dire ceci ?  : Le mot cause se dit de deux façon. D’une première façon, on appelle cause ce qui, infailliblement et toujours, produit son effet ; ou, tout au moins ce, faute de quoi l’effet ne se produit point. D’une autre façon, on appelle cause une chose par le moyen de laquelle un effet est produit la plupart du temps.

» De la première façon, je ne crois pas que les astres soient causes des évènements d’ici-bas ; en effet, ils ne produisent pas toujours ces effets conformément à la disposition qu’ils affectent ; parfois, lorsqu’il est utile de le faire, la volonté de Dieu produit ces effets sans que les astres aient la disposition appropriée.

» Mais de la seconde façon, on peut dire que les astres sont causes [des changements sublunaires], car ils coopèrent à la génération ou à la destruction de certaines choses.

» Par là, on peut résoudre la contradiction entre Jean Damascène et les philosophes. Damascène parle de la cause considérée d’une manière absolue (simpliciter). Les philosophes, au contraire, parlent de la cause prochaine, qui produit son effet fréquemment, [mais non toujours] ; il arrive, par exemple, qu’il y ait sécheresse en hiver et abondance de pluie en été ; on en peut dire autant de la chaleur et du froid. »

Les astres, donc, sont non seulement signes de certains changements du monde inférieur, mais encore ils en sont causes, pourvu que l’on entende par là des causes qui ne sont pas entièrement nécessitantes et dont l’efficace souffre des exceptions. « Toutefois, ils ne sont ni signes ni causes de toutes choses. Comme le dit Jean Damascène, ils sont signes de la sécheresse du froid, etc ; mais, comme le dit le même Damascène dans le texte qui a été cité ci-dessus, ils ne sont pas signes de ce qui provient en propre de l’âme raisonnable.

» Les philosophes trouvent que les astres signifient, en certains hommes, la colère, la folie, le larcin. Voici ce qu’il faut répondre : Les luminaires déterminent un certain changement dans l’air et dans les autres corps ; par là, ils produisent aussi un changement dans notre propre corps ; mais, par son libre arbitre, l’âme raisonnable incline à suivre le changement que le corps éprouve ; de ce changement, donc, peuvent résulter, * du côté de l’âme, certaines dispositions ; mais de ces dispositions, c’est l’âme même qui est cause ; ce n’est pas d’une manière