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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

Les astres, se demande-t-il[1], sont-ils signes des évènements qui se produisent ici-bas ? À l’encontre de la réponse affirmative, il prévoit cette objection :

« Ou bien ils jouent le rôle de signe parce qu’ils jouent celui de cause, ou bien non.

» Si oui, comme leur mouvement est nécessaire, il semble que ce signe soit la cause nécessaire des évènements, ce que ne dit aucun catholique.

» Si, au contraire, ils sont signes mais non causes, ce qu’ils signifient se doit ramener à quelque autre chose qui soit cause de l’évènement signifié ; ce quelque chose ne peut être qu’un corps immortel, perpétuel et premier ; avant le Ciel, donc, il existe un tel corps, ce qui est faux. »

En dépit de cette objection, Albert répond à la question posée :

« Je pense devoir accorder que les astres sont, à la fois, signes et causes motrices des êtres soumis à la génération qui réside ici-bas.

» Quant à cette objection : Ce sont donc des causes nécessaires, disons qu’elle est sans valeur. En effet, bien que les étoiles se meuvent toujours de la même manière, elles ne sont pas toujours disposées de la même manière à l’égard des choses d’ici-bas ; pourtant, les effets des étoiles peuvent se trouver empêchés par des dispositions contraires. C’est ce qu’entend Ptolémée, dans son Centiloquium, lorsqu’il dit : « Le savant a domination sur les astres. » Il exerce cette domination en communiquant aux corps des dispositions’contraires à celles que produisent le mouvement des étoiles. »

La solution de cette question conduit Albert le Grand à l’examen de cette autre : « Les étoiles ont-elles domination sur le libre arbitre.[2] »

« Selon l’enseignement des Saints, répond-t-il, elles ne jouent nullement le rôle de causes à l’égard’du libre arbitre ; les philosophes ne disent pas non plus qu’elles jouent le rôle de causes à l’égard du libre arbitre, si ce n’est de la manière qui a été prouvée en premier lieu. » — Cette action des astres sur la volonté, admise par les philosophes, avait été caractérisée de la manière suivante : « La volonté dépend à un haut degré de la complexion de l’homme ; si donc les astres ont pouvoir sur

  1. Alberti Magni Scriptum in secundo Sententiarum. Dist. XV, art. IV : Qualiter sol et Luna sint in signa et tempora.
  2. Alberti Magni Op. laud., art. VI : Utrum stellæ habeant dominium super liberum arbitrium.