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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

la doit garder défendre et promulguer, de celui qui y est législateur et de son successeur. »

Là, nous entendons Bacon décrire un certain nombre d’effets curieux que les lois de l’Optique permettent de produire au moyen de miroirs, puis, à cette description, joindre la conclusion que voici[1] :

« Ces merveilles ont grande valeur pour convertir les infidèles et à repousser ceux qui ne peuvent être convertis. Un homme, en effet, ne les comprendrait pas d’emblée ; il les lui faudrait croire d’abord, afin qu’une fois exercé dans l’étude de la Science, il en pût voir les raisons ; il serait ainsi conduit, comme par la main, vers les choses divines ; il serait amené à soumettre son cou à leur joug, à les croire d’abord, jusqu’au moment où, pétri en elles, il percevrait enfin la raison qui le ferait comprendre et savoir. En voyant, en effet, que son intelligence ne peut atteindre même aux vérités relatives aux créatures, qui ne sont rien au regard des vérités divines, l’homme se doit estimer bien plus heureux, de croire les choses divines que les choses créées… Cette manière de persuader de la foi serait plus puissante et meilleure que les paroles de prédication, car l’exemple est plus que le discours. Ce mode de persuasion opère à la façon des miracles ; il est donc bien plus puissant que la parole. »

L’homme qui découvrait dans les écrits d’Aristote ou d’Avicenne la formule des dogmes les plus particuliers du Christianisme ; l’homme qui regardait des jeux d’optique comme le moyen le plus efficace de convertir les infidèles, était assurément d’accord avec lui-même, lorsqu’il voyait dans l’horoscope des religions une preuve convaincante en faveur du Christianisme.

Mais comment va-t-il s’y prendre pour faire perdre à cette doctrine astrologique le relent d’impiété qui, contre elle, irritait si fort Guillaume d’Auvergne ?

« Les astrologues, dit-il[2], parlent des religions et les religions dépendent de la liberté de la raison ; toutefois, ils n’imposent aucune nécessité au libre arbitre lorsqu’ils disent : Les planètes sont des signes ; elles nous indiquent les événement dont Dieu, de toute éternité, a préparé l’accomplissement soit par la nature, soit par la volonté humaine, soit par sa propre raison, en vertu

1. Un fragment inédit de l’Opus tertium de Roger Bacon, Ad Claras Aquas (Quaracchi), 1909, pp. 97-98. — Part of the Opus tertium of Roger Bacon, edited by A.-G. Little, Aberdeen, 1912, pp. 41-42.

2. Fratris Rogeri Bacon Opus majus, Pars IV ; éd. Jebb, pp. 167-168 ; éd. Bridges, vol. I, pp. 266-267.

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