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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Dans son Opus in hexaemeron, Gilles de Rome ne souffle mot de l’influence exercée par les corps célestes sur les choses d’ici-bas ; la naissance des astres, au quatrième jour de la création, lui fournissait cependant une occasion classique d’en parler. Mais il en traite longuement dans son commentaire au second livre des Sentences.

Il rappelle, d’abord[1], comment les anciens philosophes divinisaient les astres ; comment, d’autres, plus modernes, voulaient que Dieu eût seulement créé la première des intelligences célestes, chacune de celles-ci créant, à son tour, une intelligence et un orbe. « Mais laissons de côté ces opinions téméraires qui mettent, dans des corps, quelque chose de divin ; dédaignons aussi ces autres superstitions, au gré desquelles, d’une créature, quelque chose pourrait procéder par voie de création. Il nous faut dire, cependant, que refuser aux corps célestes toute efficace sur les choses d’ici-bas, ce serait nier le témoignage des sens ; par nos sens, en effet, nous expérimentons que le Soleil échauffe et que la Lune refroidit.

» Mais une fois admis, ce que nous croyons vrai, que les astres ont quelque action sur les choses d’ici-bas, quatre difficultés se dressent devant nous. »

Voici la première difficulté que Gilles de Rome examine et dont aucun de ses prédécesseurs, du moins à notre connaissance, ne s’était enquis :

« Toutes les transformations produites par les corps célestes sont surtout accomplies par les corps lumineux. Or, entre la Lune et les choses d’ici-bas, se trouve interposée une partie de la sphère de, 1a Lune ; la Lune est, en effet, fixée dans son déférent et ce déférent est contenu dans la sphère de la Lune comme la moelle dans un os[2] ; il faut donc qu’entre la Lune et les choses d’ici-bas, se trouve interposée une partie de la sphère de la Lune. Ce qu’e nous venons de dire de la Lune est, à plus forte raison, vrai des planètes, et plus véritable encore

1. Excellentissimi sacre théologie doctoris domîni Egidii Romani archipresulis Bituricensis : ordinis heremitarum divi Augustini : Super secundo libro Sententiarum : opus preclarissimum. — Colophon : Egidii Romani Bituricensis ecclesie archipresulis Super secundo sententiarum opus dignissimum Lucas Uenetus Dominici. F. librarie peritissimus : summa cura et diligentia Uenetijs impressit. Anno salutis Mcccclxxxij. iiij Nonas Maij : Joanne Moceniceno inclyto Uenetiarum principe ducante. Dist. XIV, 3a Quæstio principales : De opéré quartæ dici. 2a Quæstio. De effectu luminarium generaliter ; utrum aliquid efficiant in ista inferiora. Dubitatio prima. Fol. sign. ee 2, col. d, et fol. sign. ee 3, col. a, b et c.

2. Au sujet de cette comparaison, chère à Gilles de Rome. Voir : Seconde partie, ch. IX, § IV ; t. IV, p. 113.

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