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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« En raison des réflexions et des réfractions variées que la variété des milieux impose à la lumière, porteuse de l’influence, le Ciel lui-même diversifie cette lumière émise par lui, par les étoiles et par les planètes ; à ceux qui observent de la terre, il ne montre pas la véritable position des astres. Les astrologues se trompent en cela, car ceux qui, avec l’Astronomie (astrologia), savent l’Qptique (Perspectiva), sont peu nombreux, s’il en est. Et de là surgit, pour l’Astrologie judiciaire, la racine d’une difficulté nouvelle.

» On rencontre une autre difficulté qui concerne la fixation du Zodiaque. Celui-ci doit-il être placé dans le ciel suprême, quel que soit d’ailleurs ce ciel, ou bien doit-il être pris dans le firmament et déterminé par rapport aux étoiles fixées dans ce firmament ! On a observé, en effet, que le firmament se mouvait contre le mouvement du premier mobile ; partant, en conséquence de ce mouvement, le Zodiaque doit changer.

» Il y a encore d’autres difficultés touchant les mouvements des planètes dans leurs auges, épicycles et excentriques, leurs ascensions, descentes, stations, rétrogradations, titubations, rotations autour de leur propre centre. Observer tout cela avec une ponctuelle exactitude, nul n’en serait capable. La divine Sagesse dit qu’elle se joue en tout cela et en autres choses semblables, et elle le montre. »

Toutes les difficultés et les incertitudes de la véritable Astronomie suffiraient, et au delà, à justifier cette condamnation de l’Astrologie[1] : « Ceux qui ont la présomption de prédire des effets particuliers mettent en faute, autant qu’il dépend d’eux, le Ciel avec ses étoiles et ses planètes ; ils en abusent ; cela est bien établi ; et il est également bien établi qu’ils peuvent fréquemment se tromper et tromper les autres.

» Ces gens-là errent soit par ignorance, soit par intention frauduleuse, soit par arrogance. Ils errent parce qu’ils ne tiennent pas compte d’une des propositions précédentes : Le Ciel est seulement la source d’une influence générale. La distribution (ratio) particulière ou singulière de cette influence dépend de Dieu seul ou de la disposition de la matière.

» Mais, objectera-t-on, les astrologues se trouvent avoir formulé beaucoup de prédictions véritables. Je répondrai qu’ils ont donné un bien plus grand nombre de faux jugements. Lorsqu’ils disent vrai, cela provient ou du hasard ; ou de la

  1. Joannis Gerson Op. laud., prop. XI ; éd. cit., ibid.