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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

volume séparé et capable de recevoir un corps, c’est ce que quelques anciens ont appelé vide. »

C’est aussi en ce sens que Jean Buridan va concevoir la possibilité du vide.


K. Jean Buridan


Walter Burley n’a point dissimulé la gravité du conflit soulevé, au sujet du vide, entre l’enseignement des théologiens catholiques et l’enseignement de la Physique péripatéticienne ; il a laissé deviner que ce conflit n’était pas sans inquiéter sa raison. Jean Buridan va, non moins nettement que Burley, définir les termes du débat et, plus clairement que le maître Anglais, nous avouer son embarras.

En une première question de sa Physique Buridan traite du vide selon les principes naturels, c’est-à-dire selon les doctrines du Péripatétisme.

Il distingue deux manières d’entendre le mot vide.

D’une première manière, le vide « est un espace distinct des grandeurs des corps naturels, qui n’a pas à céder la place pour recevoir les corps naturels ; de cet espace, chaque corps naturel occupe une partie qui lui est égale. » Ce vide est alors le lieu de tous les corps. « On voit que ce vide-là est un volume (dimensio corporea) égal en longueur, largeur et profondeur au corps naturel qui le remplirait si on le posait en ce vide. »

D’une seconde manière, le vide est défini comme un lieu sans corps, et le lieu lui-même est entendu au sens aristotélicien : « La surface du corps qui contient le corps logé. Alors, si le vide existait, il le faudrait imaginer de la manière suivante : D’un lieu plein, on enlève le corps qu’il contient ou bien on anéantit ce corps, tandis que le lieu garde sa figure, que les parois du lieu ne se rapprochent pas l’une de F autres. Imaginons, par exemple, que ce monde sublunaire soit totalement anéanti, tandis que le ciel garderait la grandeur et la figure qu’il a maintenant ; la surface concave de l’orbe de la Lune qui est, à présent, un lieu rempli par le monde inférieur, serait alors un lieu vide, car aucun corps n’y serait plus contenu ; qui plus est, il ne contiendrait plus aucun espace, aucun volume (dimensio) ; il ne contiendrait plus rien du tout. »

1. Johannis Buridani Subtilisime questiones super octo physicorum libros, LibJlV, quæst. VII : Utrum possibile est vacuum esse. Fol. lxxii, col. d, et fol. Ixxiîi,