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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

VI

Le mouvement successif d’un grave dans le vide

A. Jean de Duns Scot


Dieu pourrait-il faire qu’un espace fut vide ? Après 1277, tous les Scolastiques ou à peu près répondent affirmativement à cette question. S’ils diffèrent d’avis, c’est seulement lorsqu’il s’agit de décider cet autre point : Dès maintenant, existe-t-il hors du Monde un espace vide.

Un autre problème a vivement sollicité leur attention, et c’est celui-ci : S’il existait un espace vide et qu’un grave y fût abandonné à lui-même, ce grave tomberait-il instantanément au plus bas de cet espace, ou bien, au contraire, descendrait-il avec une vitesse finie ?

En la discussion de ce problème, nous ne recontrerons plus l’unanimité avec laquelle a été accueillie la solution de cette première difficulté : Le vide est-il possible ? Les désaccords, les divergences que nous remarquerons ne devrons pas nous surprendre. Non seulement, en effet, l’autorité doctrinale n’a, au sujet de cette question, qui est toute de Physique, formulé aucune décision, mais, de plus, pour trancher le litige, il fallait arriver à concevoir nettement une des notions essentielles de la Dynamique, une notion si difficile à apercevoir que toute la Philosophie hellénique n’en avait pas eu le moindre soupçon, la notion de masse.

Ce sont donc des débats bien confus, qu’il nous faudra rapporter ; à ces débats, cependant, nous devons attacher un extrême intérêt puisqu’en dégageant peu à peu l’idée de masse des nuages qui l’avaient cachée jusqu’alors, ils ont préparé le resplendissement de la Dynamique newtonienne.

Nous avons vu l’idée de masse apparaître, pour la première fois, dans ce que Saint Thomas a écrit à l’appui des raisonnements d’Ibn Bâdjâ ; pour le Doctor communis, la masse est essentiellement identique à la quantité de matière première.

De Thomas d’Aquin, il nous faut passer à Duns Scot pour trouver, sur la chute d’un grave dans le vide, des remarques[1]

  1. Joannis Duns Scoti Scriptum Oxoniense, Dist. II, quæst. IX : Utrum angelus possit moveri de loco ad locum motu continuo. Ad argumenta.