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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

lue ; c’est elle qui est le principe du mouvement vers le bas ; et [dans l’hostie consacrée] cette gravité demeure parmi les accidents.

» Mais alors, il faut diviser le mobile en moteur et chose mue ? Je réponds que ce qui est proprement le moteur (movens per se) c’est cette gravité ; quant à la chose mue, c’est tout le composé [de matière et de forme substantielle]. »

Voilà, assurément, un résumé très clair et très formel de la doctrine de Duns Scot. Meyronnes y ajoute cette remarque :

« Autre difficulté. On a montré que Dieu peut séparer l’accident de la substance. Si donc, d’une pierre, se trouvait séparé cet accident qu’est la gravité, qu’arrivera-t-il ? Je réponds : Si, du feu, on séparait la chaleur, le feu ne brûlerait plus. De même [cette pierre privée de gravité] demeurerait indifférente à tout lieu, comme l’est un ange. »

Marsile d’Inghen nous a dit quelles conséquences les partisans du mouvement dans le vide tiraient de cette proposition. Elle est, peut-on dire, l’affirmation que, selon la doctrine de Scot, la masse est représentée par le composé de matière première et de forme substantielle, dont tous les accidents ont été détachés.

Gérard d’Odon admettait, comme Duns Scot, qu’un grave tomberait dans le vide avec une vitesse finie. Nous le savons par Jean le Chanoine qui, en cette question, adopte pleinement la manière de voir du maître général de son ordre[1].

Jean le Chanoine nous dit que Gérard d’Odon réfutait les objections d’Aristote ; mais, ajoute-t-il, les réfutations de Gérard n’ét.aient pas celles qu’il va présenter.

Jean admet que toute résistance au mouvement ne provient pas du milieu ; mais il ne dit rien qui laisse transparaître la notion de masse. De ses affirmations assez vagues, tirons seulement, pour le moment, celle-ci :

« Le mouvement des projectiles se ferait dans le vide mieux que dans le plein à cause de l’absence de résistance. »

Cette pensée, nous allons la retrouver, mais plus développée, en lisant la Physique de Nicolas Bonet. Voici comment s’exprime cet auteur[2] :

« Il ne semble pas qu’aucune impossibilité empêche le mouvement d’avoir lieu dans le vide ; le mouvement local s’y peut

1. JoANNis Canonici Quæstiones super VIII libros physicorum Aristotelis, lib. IV. quæst. IV ; éd. Venetiîs, 1520, fol. 43, col. a et b.

2. Nicolai Boneti Physiea, lib. V, capp. I et II ; Bibl. Nat., fonds latin, ms. n° 6678, fol. 148, V° à fol. 150, r° ; ms. n° 16132, fol. 116, col. c, à fol. 117, col. d.

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