Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

les divers commentaires de Jean le Tourneur, nous montrent que cet auteur avait grand renom dans les écoles ; si l’on en juge, d’ailleurs, par les imprimeries qui se sont chargées de reproduire ses œuvres, c’est surtout en Allemagne que sa réputation s’était répandue, et la ville de Cologne s’était fait comme une spécialité de travailler à l’accroissement de cette réputation ; c’est une remarque que nous retrouverons au prochain chapitre.

Cette vogue extrême était-elle bien méritée ? Ce que nous allons extraire des écrits de Joannes Versoris ne contribuera guère, croyons-nous, à la justifier.


A. La chute accélérée des graves


Nous n’avons pu consulter les Questions que Jean le Tourneur avait composées sur la Physique d’Aristote, en sorte qùe nous ignorons ce qu’il enseignait au sujet du mouvement dans le vide ou touchant la cause du mouvement des projectiles ; mais ce qu’il dit de la chute accélérée des graves nous laissera juger qu’il professait en Dynamique des opinions fort attardées.

Il est, nous l’avons dit, thomiste convaincu ; aussi, à l’exemple de son maître, le Docteur Angélique, admet-il pleinement la théorie de Thémistius. Lorsqu’il déclare, par exemple, que la pesanteur n’est pas due à une attraction exercée par le centre du Monde sur le corps grave, il écrit ces lignes[1], dont la suite logique laisse grandement à désirer : « Il en résulterait qu’une masse de terre qui tombe ne descendrait pas plus vite à la fin de sa chute qu’au commencement ; en effet, les corps qui se meuvent par traction se meuvent d’autant plus lentement qu’ils sont plus éloignés de ce qui les pousse ; or il est manifeste aux sens que la terre se meut d’abord plus lentement, et que son mouvement s’accélère d’autant plus qu’elle descend davantage. Aussi, selon Saint Thomas, le mouvement naturel est-il plus rapide à la fin qu’au commencement parce que plus le mobile approche du lieu naturel où se trouve la vertu qui l’engendre et le conserve, plus sa puissance motrice se fortifie ; c’est pourquoi, vers la fin, il se meut plus rapidement. »

Ce que Versoris dit ici d’après Saint Thomas, il le prend à

  1. Questiones Joannis Versoris super libros de celo et mundo, lib. I, quæst. XII ; éd. cit., fol. XIII, col. d.