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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/178

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

son gré, n’exprime aucune réalité distincte de ce qui est permanent, distincte des choses permanentes. On ne doit poser, en sus des choses permanentes, aucune chose successive dont les parties répugnent à être simultanément en acte… Pour qu’on puisse dire d’une chose qu’elle se meut, un tel mouvement distinct n’est ni nécessaire, ni suffisant ; le mobile se meut sans qu’une telle chose existe et, dans les cas que nous avons proposés, il ne se meut pas bien qu’elle existe. C’est donc tout à fait vainement qu’on en supposerait l’existence ; et même tout est plus aisément sauvé, lorsqu’on ne pose pas semblable chose que quand on la pose. »

On sait que Buridan et ses disciples, se séparant d’Ockam à ce sujet, revenaient à la doctrine de Scot et regardaient le mouvement ou, du moins le mouvement local, comme une chose essentiellement fluente et réellement distincte du mobile et de l’espace acquis.

C’est, de même, à la tradition d’Ockam, et non pas à celle de Buridan que Biel rattache ce qu’il dit touchant cette question[1] : Dieu pourrait-il créer quelque chose qui fût infini au sens catégorique du mot. « Il y eut à ce sujet, écrit-il, deux opinions contraires. La première, c’est que Dieu peut produire un infini actuel aussi bien au point de vue jde la multitude que de l’étendue et de l’intensité. C’est en faveur de cette opinion que semblent être les autorités d’Ockam et de Grégoire de Rimini. »

C’est également à cette thèse que Biel se montre favorable : « La production par Dieu d’un infini en acte n’implique pas contradiction d’une manière évidente ; la possibilité de cette production doit donc être tenue par le théologien comme plus probable que l’opinion opposée ; et cette raison ne se pourrait délier qu’en montrant d’une manière évidente la contradiction impliquée dans cette production. »

Bien des auteurs, il est vrai, et de bien des façons, ont prétendu manifester cette contradiction. L’existence d’un infini actuel n’entraînerait-elle pas des conséquences telles que celles-ci : Un infini est plus grand qu’un autre, est double d’un autre ? Et ces propositions ne sont-elles pas absurdes ?

Ces objections se peuvent résoudre « en suivant l’opinion de Grégoire de Rimini ». Et Biel de rappeler d’une manière

  1. Gabrielis Biel Op. laud., lib. Il, dist. I, quæst. III ; éd. cit, 3e fol. après le fol. sign. aa iiij, coll. c et d, et fol. suivant, col. a.