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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/185

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

rencontré, dans son ouvrage, les noms de Buridan et d’Albert de Saxe ; mais cette omission s’explique ; simples maîtres ès arts, Buridan et Albert n’ont jamais discuté les questions proprement théologiques ; leur raison a donné sa mesure en étudiant des problèmes de Physique ; or Biel est essentiellement théologien, et il n’accorde que fort peu d’attention à ce qui intéresse le physicien.

Très légitime en soi, cette réserve ne laissera pas de nous contrarier quelque peu ; elle nous privera de maint renseignement que Gabriel Biel nous eût aisément fourni ; toutefois, elle ne l’a pas empêché de nous dire quel était dans l’École de Tubingue, vers la fin du xve siècle, le prestige des doctrines engendrées à Paris.

Il va nous donner encore un autre enseignement.

Les décrets par lesquels Étienne Tempier, en 1277, avait condamné un grand nombre de propositions formulées par des philosophes et des théologiens n’avaient légalement aucun pouvoir hors du diocèse de Paris ; certaines Universités, celle de Toulouse, par exemple, n’avaient pas craint de se vanter bien haut, et tout aussitôt après la décision de Tempier, d’enseigner ce que Paris proscrivait. Dans les Universités allemandes, au contraire, on professait une telle vénération pour les opinions parisiennes qu’au cours du xve siècle, au commencement même du xvie siècle, on se soumettait pleinement aux décisions de l’Évêque de Paris ; on leur reconnaissait pleine autorité, comme si l’Église de Paris eût été la véritable dépositaire de l’orthodoxie chrétienne. Biel, par exemple, n’hésite pas à invoquer cette autorité. Lorsqu’il discute de quelle manière un ange se peut mouvoir, il déclare erronée une certaine opinion, puis il ajoute[1] : « De là le 203e article de Paris : Dire que les substances séparées ne sont en un lieu que par leur opération ; qu’une telle substance peut se mouvoir d’un extrême à l’autre sans franchir l’espace intermédiaire ; qu’elle peut vouloir opérer F un des deux extrêmes ou bien en tous deux, et point dans l’intervalle, c’est une erreur. »

Biel nous donne ici un témoignage bien significatif de la soumission toute volontaire des Universités allemandes à l’égard de la doctrine de Paris.

1. Gabrielis Biel Op. laud., lib. II, dist. II, quæst. II ; éd. cit., 2° fol. après le fol. sign. bb iiij, col. d.

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