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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/191

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Les questions de Sunczell sont, en effet, précédées d’un Exordium introductorium in divam philosophiam où l’auteur se plaît à répéter quelques-uns des dithyrambes adressés par le Commentateur au Stagirite ; c’est également un éloge du génie d’Aristote qui sert d’épilogue, à l’ouvrage.

Mais ces protestations de Péripatétisme ne nous doivent pas faire illusion. Sunczell est Aristotélicien à la façon de Jean de Jandun. Il tient pour assuré qu’Aristote a fort exactement tiré les conséquences des principes que l’expérience lui avait fournis. Mais il croit, d’autre part, que la foi fournit au Chrétien d’autres principes insoupçonnés du Stagirite ; et ces principes révélés permettent d’établir de nombreuses vérités que ni le Philosophe ni son Commentateur n’aurait su démontrer.

Lisons, par exemple, la déclaration du professeur d’Ingolstadt au moment où il se dispose à discuter la question suivante[1] :

« La foi mise à part, et par voie purement naturelle, le mouvement du Ciel est-il éternel et perpétuel, en sorte qu’il n’a jamais commencé et qu’il n’aura point de fin ? »

« Il faut d’abord, dit-il, faire une remarque : L’autorité de notre foi, comme le dit Saint Augustin à propos de la Genèse, est plus grande que toute la capacité de l’esprit humain ; or cette foi tient que le Monde et, partant, le mouvement du Ciel ont été créés ; de telle façon que toutes choses ont été faites de rien, excepté Dieu qui, seul, est éternel, perpétuel, incapable de changement immobile et indépendant ; c’est lui qui a créé de rien le Ciel, la terre et tout ce qu’ils renferment.

» Le Monde a donc eu un commencement ; il a été créé ; au gré de quelques personnes, c’était au printemps. Avant la naissance du Christ notre Seigneur, il a duré cinq mille-centquatre-vingt-dix-neuf ans ; auxquels s’ajoutent mille-quatrecent-quatre-vingt-dix-neuf ans depuis la naissance du Seigneur. Quand finira-t-il ? Beaucoup d’astrologues ont tenté de le dire ; mais aucun mortel n’a pu, jusqu’ici, le savoir de science véritable.

» Aussi, fondés sur la foi dont nous venons de parler, les théologiens de Paris (Parisiensium theologi) pensent-ils expressément ceci : Dire qu’il y a plus d’un être éternel, c’est une erreur. Et encore : Tenir pour concluants les raisonnements d’Aristote et de son Commentateur touchant l’éternité du

  1. Friderici Sunczell Op. laud., lib. VIII, quæst. II ; éd. cit., loc. cit.