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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/193

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

particulier, le cas de celle-ci[1] : « La piété de la foi nous ordonne d’observer (pietas fidei jubet observare) que le caractère successif du mouvement ne provient pas seulement de la résistance du milieu, mais encore de ceci que toute chose naturelle est limitée dans son action. » Vraiment, on ne s’attendait pas à voir la foi dans cette affaire. À constamment mêler, dans leurs leçons sur les Sentences, des digressions de Physique à la discussion de problèmes proprement dogmatiques, les théologiens avaient produit cette confusion où s’égare Sunczell ; les esprits peu clairvoyants en venaient à ne plus bien distinguer ce qui était enseignement de la foi religieuse de ce qui était seulement système scientifique propre à l’auteur ou à son École.

Fréquemment, donc, une question de Physique débattue par le professeur d’Ingolstadt nous présentera deux solutions contradictoires ; l’une sera tirée des principes du Péripatétisme ; l’autre nous sera donnée comme autorisée par la doctrine chrétienne, comme fondée sur des principes transcendants révélés par l’Église à la raison humaine ; ce que nous reconnaîtrons en cette dernière, ce sera, la plupart du temps, la conclusion donnée par la Physique de Duns Scot ou par celle de Jean Buridan.

La lecture du livre de Sunczell est donc singulièrement propre à soutenir cette pensée que nous avons si souvent émise : Ce qui a grandement contribué à renverser les principes de la Physique péripatéticienne et à leur substituer quelques-uns des principes dont se réclame la Science moderne, c’est la conviction, justifiée ou non, que les premiers étaient incompatibles avec la doctrine chrétienne.

Sunczell est instruit de la Physique parisienne ; nous l’entendrons citer le nom de Buridan et discuter les opinions de cet auteur ; nous l’entendrons, à propos du mouvement dans le vide, invoquer « les raisons très efficaces de Marsile » d’Inghen.

À l’imitation de ceux qui appartenaient à l’École de Buridan, il délaisse bon nombre de doctrines soutenues par Guillaume d’Ockam. Par exemple, il lui arrive d’examiner cette question[2] : « La grandeur est-elle distincte de la substance qui est grande ? » À ce propos, il écrit[3] :

  1. Friderici Sunczell Op. laud., lib. IV, quæst. VIII ; éd. cit., fol. sign. O 2, vo.
  2. Friderici Sunczell Op. laud., lib. I, quæst. VIII.
  3. Friderici Sunczell, loc. cit., éd. cit., fol. sign. d 3, ro.