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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/218

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

hors Dieu qui est illimité, il y a une certaine limitation ; et cela se peut prouver par de multiples raisons. » Parmi ces raisons, se trouve celle-ci : « Le Ciel se meut d’une manière successive, et cependant rien ne lui résiste. »

« La seconde opinion est celle que Marsile défend par des raisons très efficaces ; elle consiste en ceci : Comme l’admet Aristote dans le quatrième livre du présent ouvrage, il y a seulement deux causes de succession, la résistance du milieu et la disposition du mobile ; là donc où, comme dans le vide, il n’y a point de milieu résistant et où le mobile est absolument grave, il est nécessaire que celui-ci se rende instantanément à son lieu naturel, car rien ne lui résiste. La limitation ne lui résiste pas, car on ne la doit pas supposer. »

Sunczel énumère alors les objections que Marsile d’Inghen avait dressées contre cette limitation ; mais, avant de renverser cette supposition, le maître parisien nous l’avait exposée ; par ce qu’il en avait dit, * nous avions pu reconnaître à quel point ses adversaires pressentaient la notion de masse ; de cette intéressante exposition, rien n’a passé dans les Questions de Sunczel.

C’est, nous dit l’auteur, afin d’éclairer la discussion précédente, qu’il convient d’examiner cette seconde question[1] : « Si un grave simple se trouvait mis dans le vide, tomberait-il instantanément ou d’une manière successive ? » Incapable de choisir entre les deux doctrines qu’il nous vient d’exposer, il se résout à donner deux réponses contradictoires, dont l’une dérive de la première théorie et l’autre de la seconde.

Selon la première théorie, le corps absolument grave, placé dans le vide, tomberait en un instant. Il en est autrement « selon ceux qui admettent la limitation. Si le vide existait et si un grave simple s’y trouvait, il se mouvrait vers son lieu naturel d’un mouvement successif, bien que plus vite que dans le plein. La preuve, la voici : Une cause de succession, le milieu résistant, serait, il est vrai, supprimée ; mais il en subsisterait une autre, la limitation du mobile ; cette limitation l’empêche de se mouvoir en un instant. »

De ces deux réponses, quelle est celle qui mérite notre adhésion ? Le trop prudent Sunczel ne nous le dit pas.

À ses deux solutions contradictoires, il ajoute cette remarque : « Chaque partie du grave tend, si elle n’en est pas empêchée,

  1. Friderici Sunczel Op. laud., lib. IV, quæst. IX.