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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/248

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

d’avoir l’expérience de ces sortes de choses ; ils n’observent pas la génération de montagnes nouvelles.

» Si la terre était parfaitement sphérique, si les montagnes les plus élevées et les vallées étaient ramenées à l’égalité, avec le temps, de ces diverses façons, de nouvelles montagnes se produiraient ; si le Monde durait perpétuellement, les montagnes qui existent à présent finiraient par être détruites.

» À ce sujet, voyez la discussion très étendue de Buridan, que Georges de Bruxelles résume au second livre des Météores. »

Josse d’Eisenach a donc eu sous les yeux l’ample et lumineux exposé que Buridan donnait de sa théorie géologique ; il en a lu aussi le résumé très complet que Georges de Bruxelles insérait dans son traité ; de ces renseignements précieux, il n’a rien tiré du tout. La même remarque se pourrait répéter sans cesse au cours de la Somme de Physique ; le professeur d’Erfurt étale une érudition extraordinaire ; la moindre proposition est accompagnée de renvois précis à de multiples ouvrages ; mais ces innombrables lectures n’ont fourni presque aucune pensée qui mérite d’être notée.


H. La pluralité des Mondes


Qu’il pût exister plusieurs terres, que chacune d’elles pût, comme la nôtre, demeurer au milieu de ses éléments, Aristote le niait ; en 1277, Étienne Tempier avait déclaré que cette négation était une erreur, car elle mettait des bornes à la toute-puissance de Dieu ; parmi les décisions de l’Évêque de Paris, il en est peu qui portassent à la Physique péripatéticienne un coup plus funeste, car nombre d’enseignements essentiels de cette Physique s’opposaient de concert à la pluralité des Mondes.

On s’explique donc que le problème de la pluralité des Mondes ait vivement attiré l’attention des maîtres parisiens ; on comprend moins aisément l’insouciance des maîtres allemands à l’égard de cette question ; cette insouciance, cependant, paraît avoir été fort grande ; de tous les auteurs que nous avons pu consulter, Conrad Summenhart est le seul qui ait parlé de la pluralité des Mondes, et il n’en a dit que quelques mots.

Répétant presque textuellement une phrase d’Albert de Saxe, Conrad Summenhart écrit[1] : « D’une manière absolue (simpliciter), l’existence sucessive de plusieurs mondes, ou bien encore

  1. Conradi Summenhart Commentaria in Summam physice Alberti magni, tract. II, cap, I, prima difficultas ; fol. sign, i 4, col. c et d.