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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/250

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Chapitre III
NICOLAS DE CUES
I
LA VIE ET LES ŒUVRES DE NICOLAS DE CUES


Tandis que Jean de Duns Scot et Guillaume d’Ockam philosophaient à Paris, et que leur philosophie préparait l’avènement d’une Physique débarrassée du joug péripatéticien, les Dominicains allemands, inspirés par le faux Aréopagite, et par Jean Scot Erigène, plus encore par Proclus que Guillaume de Moerbeke venait de révéler, s’adonnaient à la contemplation ; leur mysticisme, que le Néo-platonisme d’Alexandrie eût plus volontiers avoué que le Christianisme, conduisait Eckehart et ses disciples à un panthéisme tout pareil à celui d’Amaury de Bennes.

Dans la pensée de Nicolas de Cues, nous allons reconnaître l’influence prédominante et hautement avouée de ce mysticisme néo-platonicien ; mais, en même temps, nous y découvrirons des infiltrations de la Physique parisienne.

Cues (Küs) est un gros village de la Prusse rhénane ; il appartient au diocèse de Trêves ; il se trouve sur la rive droite de la Moselle, à peu de distance en amont de la petite ville de Berncastel. C’est là que Nicolas Chrypfs naquit en 1401, d’une famille de simples pêcheurs. Chrypfs est, en patois mosellan, l’équivalent du mot allemand Krebs, écrevisse ; d’où la traduction latine Nicolaus Cancer que Nicolas de Cues donnait de son nom ; c’est ainsi que le registre d’immatriculation de l’Université de Heidelberg mentionne, en 1416, Nicolaus Cancer de Cœsze clericus Trevir, dyoc.

Cette inscription nous apprend que Nicolas Chrypfs commença ses études à Heidelberg ; il alla les achever en Italie ; en 1424, il prit, à Padoue, le doctorat en droit, Revenu en Allemagne,