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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/274

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NICOLAS DE CUES
                                                                                                                               
Sed mutabilitati omnis créatura subjecta est et quidquid est, vel æternum est, vel creatura. Cum igitur imitas omnem creaturam præcedit, æternam esse necesse est. eam naturaliter præcedit, est unitas æterna.


Nicolas, c’est visible, n’a fait ici que résumer Thierry.

Après avoir établi que l’unité est éternelle, Thierry ajoute : « Mais rien n’est éternel, si ce n’est Dieu ; l’unité, c’est donc la divinité même. »

Il entreprend, alors d’expliquer comment cette éternelle unité engendre, de toute éternité, une unité qui lui est égale.

Lorsqu’un nombre, dit-il, est multiplié par lui-même, il engendre un nombre = qui ne lui est pas égal ; le nombre deux donne un produit double, le nombre trois un produit triple, et ainsi de suite. Multiplié par un nombre autre que lui-même, un nombre donne un produit qui ne se soumet plus à la même règle.

Cette double manière d’engendrer des produits, nous la pouvons appliquer à l’unité ; nous pouvons multiplier l’unité soit par elle-même, soit par d’autres nombres.

Multipliée par les autres nombres, l’unité engendre tous les nombres, qui ne lui sont pas égaux. Ainsi l’inégalité naît soit de la multiplication d’un nombre par un nombre, soit de la multiplication de l’unité par un nombre. Il faut, dès lors, que l’égalité naisse de la multiplication de l’unité par elle-même. L’égalité précède, en effet, l’inégalité ; la génération de l’égalité doit donc précéder toute génération d’inégalité ; or ce qui précède le nombre, c’est l’unité ; la’multiplication de l’unité par l’unité, précédant ainsi toute multiplication par un nombre, ne peut engendrer que l’égalité ; et c’est bien ce qui a lieu, car « une fois l’unité, ce n’est rien d’autre que l’unité. »

« L’égalité, donc, et sa génération précédent naturellement tout nombre. Or, nous l’avons dit plus haut, ce qui précède tout nombre est éternel. Partant, l’égalité de l’unité, et sa génération à partir de l’unité sont éternelles. »

Telle est l’étrange doctrine de Thierry de Chartres touchant l’éternelle génération du Verbe égal au Père ; telle est la doctrine que Nicolas de Cues se contente de résumer[1]; mais en la résumant, il la rend plus obscure.

  1. Nicolai de Cusa De docta ignorantia, lib. I, cap. VIII ; éd. cit., t. I, p. 6.