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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/345

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

corps demeure sain et capable de vie », mais qui, lié à l’organisation du corps, se trouve détruit lorsque cette organisation vient à s’altérer. Enfin, il l’avait comparé au mouvement de l’âme intellectuelle, mouvement qui ne peut prendre fin, parce que l’âme se meut elle-même.

Dans la raison de Nicolas de Cues, deux influences s’étaient rencontrées et combattues, celle de l’École de Paris et celle du Néo-platonisme ; c ceci avait tué cela », au très grand dommage du bon sens et de la juste science ; secondé par Nicolas de Cues, le Néo-platonisme poursuivit dans d’autres esprits son œuvre funeste ; dans l’intelligence de Képler comme dans celle du Cardinal allemand, il jeta le voile de ses fantaisies mystiques sur les principes judicieux de la Physique parisienne.


VIII
CONCLUSION


Un des auteurs qui ont le plus soigneusement étudié la pensée de Nicolas de Cues, Richard Falckenberg, a écrit[1] : « Nicolas veut être un philosophe du Moyen Âge, bien qu’avec plus de liberté ; il est, sans le vouloir, un philosophe moderne, mais plus réservé. » Un tel jugement nous invite à dire, aussi exactement que possible, ce que le Cardinal allemand doit à ses prédécesseurs et ce par quoi il nous semble novateur.

Il est, tout d’abord, une École dont Nicolas n’invoque jamais l’autorité, bien qu’il lui ait fait de très larges emprunts ; c’est l’École nominaliste de Paris.

Tout son système prend sa source dans l’« ignorance savante », et cette ignorance savante est le fruit d’une sévère critique de la raison ; or cette critique ne contient rien de nouveau ; elle est simplement un écho de l’Occamisme.

À l’École de Paris, d’ailleurs, il ne demande pas seulement des leçons en l’art de détruire ; il use souvent des constructions qu’elle a élevées ; lorsqu’il veut expliquer la création et le séjour de l’âme au sein du corps, il prend constamment exemple de

  1. Richard Falckeneerg, Grundzüge der Philosophie des Nicolaus Cusanus mit besonderer Berücksichtigung der Lehre vom Erkennen ; Breslau, 1880, p. 3.