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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/387

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

même corps, au gré de toutes les opinions, il ne saurait y avoir à la fois plusieurs âmes intellectuelles, il faut qu’il y ait en tous les hommes, selon l’intention d’Aristote, une intelligence unique.

» Ayant vu tout cela, je pose quatre conclusions conformes à l’intention qu’Aristote et le Commentateur ont eu au premier livre de l’âme.

» La première de ces conclusions est la suivante : L’intelligence n’est pas mélangée au corps ; ce n’est pas, non plus, une vertu organique. C’est évident, car elle aurait alors des qualités, elle serait chaude ou froide…

» Voici la seconde conclusion : L’intelligence humaine ne saurait pâtir d’une passion qui entraîne la destruction ; cela est évident, car elle est immatérielle et n’est pas mélangée au corps, car elle n’est point soumise à la génération et à la destruction…

» Troisième conclusion : On ne peut admettre à la fois que l’intelligence a commencé d’exister et qu’elle est incorruptible. Cela est évident, premièrement, parce qu’il est dit au premier livre Du Ciel ; Soumis à la génération et soumis à la destruction sont deux caractères qui s’entraînent l’un l’autre ; il en est donc de même de soustraire à la génération et de soustraire à la destruction. Cela est évident, en second lieu, car il existerait une multitude infinie d’âmes intellectuelles ; et cela est absurde, car ce serait chose vaine et, de plus, il en résulterait un nombre actuellement infini, contrairement à ce qu’enseigne le Philosophe au premier livre Du Ciel et au troisième livre des Physiques ; et le raisonnement conclut assurément, car, si les espèces sont éternelles, il faut qu’une infinité d’hommes soient morts, et que l’âme intellectuelle de chacun d’eux continua d’exister.

» Quatrième conclusion : Il n’y a pas autant d’intelligences que d’individus ; en tous les hommes, il n’y a qu’une seule intelligence. On le prouve : C’est seulement pour les êtres pourvus de matière qu’il peut y avoir plusieurs individus dans une même espèce ; cela résulte de ce qu’enseigne le Philosophe au premier livre. Du Ciel, au septième livre et au douzième livre de la Métaphysique ; il y démontre qu’il ne peut exister plusieurs intelligences séparées dont la différence serait seulement numérique et, pour cela, il invoque ce moyen : Des êtres qui appartiennent à une même espèce et n’ont entre eux qu’une différence numérique sont des êtres pourvus de matière. Mais l’âme intellectuelle n’a pas de matière ; elle n’est pas tirée de la matière et ne réside pas, par inhérence, en la matière. Donc, etc.