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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/401

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

lieu, il entend la forme de ce lieu ou l’ordre des parties les unes à l’égard des autres… Le lieu final est la situation qui s’acquiert par le mouvement local ; en d’autres termes, c’est ce rapport d’ubi dont parle fréquemment le Philosophe lorsqu’il dit que le mouvement se fait en vue du lieu et que le lieu est le terme du mouvement. »

En cet étrange rapprochement de notions disparates, nous reconnaissons, mêlées et confondues, toutes les influences, celle de Saint Thomas comme celle de Duns Scot, celle d’Ockam comme celles de Burley et d’Albert de Saxe.

L’opinion de Paul de Venise au sujet du lieu de l’orbite suprême n’est guère moins confuse[1]. L’orbite suprême se trouve en un lieu d’une manière accidentelle et par son centre. Cette proposition, que notre auteur formule, résume renseignement d’Averroès. Mais, par centre, Averroès entendait un corps central immobile, de dimensions finies, capable de servir de terme de comparaison dans l’étude des mouvements du Ciel. Ce qu’une telle théorie contenait de logique disparaît dans le résumé de Paul de Venise ; celui-ci, en effet, entend par centre un point géométrique indivisible. « Bien que le Ciel soit divisible, il est en un lieu indivisible. De même que les êtres permanents sont en un instant, car leur durée est mesurée par cet instant, de même le Ciel est en un point indivisible, parce que son mouvement est connu par ce point. »

L’opuscule De natura loci attribué à Saint Thomas admettait que les sphères célestes intérieures à l’orbe suprême étaient logées de deux manières ; chacune d’elles était, comme l’orbe suprême, en un lieu par son centre ; d’autre part, accidentellement, chacune d’elles se trouvait logée par l’orbe supérieur qui la contenait. Paul de Venise veut sans doute reproduire cette théorie ; mais il la déforme au point de la rendre méconnaissable. Au lieu de l’appliquer seulement aux sphères inférieures, il l’applique à tout l’ensemble des sphères célestes ; il enseigne alors que cet ensemble se trouve logé, d’une part, par son centre et, d’autre part, parce que l’orbite de Saturne, qui en fait partie, est contenu à l’intérieur de l’orbite des étoiles fixes.

Paul de Venise, à l’imitation d’Albert de Saxe, rejette[2]

  1. Paul de Venise, loc. cit.
  2. Pauli Veneti Summa totius philosophiæ ; pars II, cap. XIV.