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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/406

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PAUL DE VENISE

En particulier, Paul de Venise fait cette observation, peu nouvelle, qu’aux termes de cette définition, le lieu serait mobile. « À cela, Burley répond qu’une maison immobile au sein d’un air en mouvement peut être, d’instant en instant, en des lieux numériquement distincts, mais qu’elle est toujours au même lieu par équivalence. » Notre auteur ne se range pas à cet avis. Il revient à sa distinction de deux sortes de lieux : le lieu provenant de la situation par rapport à l’Univers entier, qu’il nommait locus situalis et qu’il nomme maintenant lieu relatif ; et, d’autre part, le lieu qui consiste en la surface du corps ambiant, le locus superficialis, qu’il nomme maintenant lieu absolu. D’instant en instant, la maison immobile considérée par Burley est en des lieux superficiels différents, mais son lieu relatif demeure numériquement un.

Mais la doctrine de Paul de Venise vient toujours se heurter à la même objection ; la définition du lieu relatif, du locus situalis, ne peut avoir de sens que s’il existe un repère absolument fixe ; dans la doctrine averroïste, un corps central immobile par essence constitue ce repère ; du moment que l’on regarde la terre comme susceptible d’être déplacée, le Monde entier comme capable d’un mouvement de translation, la notion de lieu relatif, telle qu’elle a été définie, perd tout sens. Les Terminalistes parisiens ont admirablement reconnu la nécessité de débarrasser la notion de mouvement local de l’exigence d’un repère immobile doué d’une existence concrète. Paul de Venise est trop fidèle averroïste pour suivre une opinion si radicalement opposée à l’enseignement du Commentateur ; aussi se débat-il sans cesse en d’inextricables difficultés.

« Selon Burley, dit-il, puisqu’il est certain que le Monde entier et toutes ses parties se meuvent sans cesse ; qu’il n’y a, d’autre part, aucun corps immobile en dehors du Monde ; il faut en conclure qu’un corps qui se meut de mouvement local n’est pas nécessairement tenu de se comporter différemment d’un instant à l’autre, par rapport à un certain terme immobile. »

À cela, notre auteur répond que tout mouvement local correspond à un changement de lieu, mais que le mouvement qui produit un certain changement de lieu n’est pas nécessairement le mouvement du corps logé ; ce peut être un mouvement du corps logeant. Il est difficile d’apercevoir un lien quelconque entre cette réponse et l’observation formulée par Walter Burley.

Il est impossible de tenir pour la théorie averroïste du lieu si l’on renonce à cette proposition : Il existe au centre du Monde