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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/411

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

mouvement de rotation, la sphère suprême n’en serait pas moins en un lieu, puisqu’elle se mouvrait de mouvement local ; mais, dans ce cas, elle ne serait pas logée par son centre ; donc elle ne l’est pas actuellement ; la majeure et la conséquence sont évidentes ; quant à la mineure, elle résulte de ce que la sphère ultime se meut nécessairement, selon le Commentateur, autour d’un centre immobile.

» À cette objection, voici la réponse qu’il convient de faire : … Le Monde a deux centres ; il a un centre mathématique simple et indivisible, et un centre naturel, qui est l’élément terrestre ; lors même que l’on supposerait que le centre naturel se meut d’un mouvement de rotation, le centre mathématique ne se mouvrait pas pour cela ; le mouvement de la sphère suprême serait donc encore un mouvement local ; cette sphère serait encore logée par son centre, non par son centre naturel sans doute, mais par son centre mathématique… Toutefois, le Philosophe prétendrait que le centre naturel ne peut se mouvoir d’aucun mouvement, car, dans le livre Du mouvement des amimaux, il déclare que les dieux tous ensemble ne pourraient mouvoir la terre.

» Si le Monde était homogène, ou bien encore si la terre était animée d’un mouvement de rotation, la terre ne pourrait être le lieu ni du Ciel entier, ni de l’orbe suprême ; c’est le centre mathématique indivisible qui, seul, constituerait ce lieu ; si l’on dit, en effet, que la terre est le lieu des éléments et des corps célestes, c’est à cause de son immobilité, immobilité qu’elle reçoit du centre indivisible du Monde. »

Quære responsum, avait dit Duns Scot ; piètre réponse, à coup sûr, que celle de Nicoletti !

Au moins Paul de Venise a-t-il eu soin, dans le passage que nous venons de citer, de signaler le désaccord qui existe entre son opinion et celle d’Aristote. En un autre endroit[1], il va plus loin et prétend faire endosser au Philosophe même la responsabilité de son inacceptable doctrine.

« Le Commentateur, dit-il, fait cette distinction : il y a deux centres du Monde, le centre naturel et le centre mathématique… Par centre, Aristote peut entendre indifféremment l’un ou l’autre de ces deux centres. Si par centre il entend le centre naturel, le

  1. Pauli Veneti Expositio super libros Physicorum, libr. octavi tractatus quartus, capituli primi quarta propositio, notandum tertium.