Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/413

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
410
LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

vers son lieu naturel, de même la terre se meut-elle vers le centre du Monde. On doit donc dire, au gré du Commentateur que le centre du Monde n’est pas seulement le lieu de l’élément terrestre, mais qu’il est aussi le lieu de tous les autres éléments et le lieu du Ciel tout entier. Ce n’est pas, à vrai dire, un lieu contenant, mais un lieu contenu ; ce n’est pas un lieu qui enveloppe ; c’est un lieu qui sert à la mesure ; c’est, en effet, par leur distance ou leur voisinage au centre du Monde qu’on reconnaît si les éléments sont logés et situés d’une manière naturelle. Le Commentateur, en effet, dit en cet endroit : C’est par le centre que le Ciel et les éléments sont en un lieu.

» L’ubi étant un effet du lieu, il y a autant de sortes d’u&i que de sortes de lieux. Or, il y a deux sortes de lieux : le lieu composé, qui est la surface enveloppante, et le lieu simple, qui est le centre du Monde. Il y a donc deux sortes d’ubi, l’ubi composé et l’ubi simple.

» L’ubi composé procède du lieu composé ; le sujet qui le reçoit, c’est le corps logé.

» L’ubi simple procède du lieu simple ; le sujet qui le reçoit, c’est le Monde tout entier qui en est pénétré suivant toute dimension. Cet ubi est appelé situation (situs) du Monde et de chacune de ses parties.

» La nécessité de cet ubi simple est mise en évidence par le mouvement et le repos des corps naturels. Supposons, en effet, qu’un vase plein d’eau soit mû d’un mouvement de translation ; l’eau, dans son mouvement, se rapproche ou s’éloigne du centre du Monde ; or, au cinquième livre des Physiques ; il est prouvé que, de soi, le mouvement tend à l’ubi ; il faut donc que, d’instant en instant, cette eau acquière un nouvel ubi ; mais elle n’acquiert point et ne perd pas davantage l’ubi qui provient du lieu composé, car la surface qui la contient demeure toujours numériquement la même ; elle acquiert donc ou perd quelque autre ubi, et ce ne peut être que l’ubicatio situalis provenant du lieu simple qui est le centre du Monde.

» De même une tour, une ville ou n’importe quel autre corps, fixe au sein de l’air, demeure en repos local ; il faut donc qu’il reste continuellement dans le même ubi ; mais, assurément, il ne reste pas toujours dans le même ubi provenant du lieu composé ; celui-ci, en effet, change avec la surface dont il dépend in fieri et in fado esse ; … il est donc en quelque autre ubi ; ce ne peut être que l’ubicatio situalis immobile provenant du centre du Monde. »