Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
39
L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

dans le seul entendement. Savoir si l’âme sensitive est distincte ou non de l’âme intellectuelle, cela ne regarde pas le médecin ; savoir si le mouvement est chose distincte du mobile, s’il y a vraiment des épicycles au Ciel, s’il existe des intelligences distinctes du corps céleste, tout cela ne regarde pas l’astronome en tant que tel ; il en est de même, à sa façon, de chaque science. Quant à savoir si, dans ses explications, la Métaphysique se doit contenter de la Grammaire et de la Logique, ou bien si, à l’aide de diverses analogies, elle acquiert, de l’être, une plus large compréhension, c’est, entre Formalistes et Terministes, ample débat qu’il ne nous appartient pas de juger. La querelle, souvent, procède d’équivoques dans le sens des mots ; et, dans quelque discussion que ce soit, ces équivoques ne permettent pas que l’accord se fasse. Il serait donc bon que les élèves connussent également les deux voies. »

Les discours de Gerson nous marquent assez la lassitude qu’on éprouvait autour de lui de la chicanière dialectique des Nominalistes et des insaisissables subtilités des Scotistes ; mais le remède qu’il propose à ce mal, ce n’est point du tout l’abandon de la méthode scolastique ; bien au contraire, le moyen qui lui semble propre à rendre aux études leur féconde utilité, c’est de remettre chaque science à sa place, d’en délimiter exactement le domaine ; de maintenir entre elles la hiérarchie que leur impose la nature des choses, de reconnaître enfin dans la Logique la seule voie par laquelle on les puisse aborder avec sécurité. Il ne conseille point une révolution qui renverserait, l’École, mais une réforme qui ramènerait l’École aux saines traditions, aux règles longtemps suivies par l’Université de Paris ; il réclame l’œuvre, qu’en 1451, le cardinal d’Es toute ville tentera d’accomplir au nom de Nicolas V.

Comme Pierre d’Ailly, comme Gerson, Nicolas de Clamanges veut détourner les théologiens de la vaine curiosité.

Né, vers 1360, au village de Clamanges, près de Châlonssur-Marne, chancelier de l’Université en 1393, Nicolas de Clamanges[1] mourut sans doute au voisinage de l’année 1440. Ce n’est pas ici le lieu de retracer le rôle important que joua Nicolas aussi bien dans les disputes soulevées par le Schisme que dans les négociations relatives à la guerre de Cent Ans. Il nous suffit de savoir qu’il avait été, au Collège de Navarre,

  1. Sur cet auteur, voir : P. Féret, La Faculté de Théologie de Paris et ses Docteurs les plus célèbres. Moyen âge, t. IV. Paris, 1897. p. 275-295.