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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/421

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

est plus lourd que l’autre, et toutes choses égales d’ailleurs, se mouvraient avec une même vitesse ; c’est évidemment ce qui aurait lieu pour deux corps inégalement pesants qui se mouvraient en l’absence de tout milieu. — Et propter hoc sequitur aliud inconveniens, dicit Commentator, quod aliqua duo corpora æquevelociter moventur, quorum unum est altero gravius, cæteris paribus ; patet de duobus inæque gravibus motis sine medio. » Cette vérité : Dans le vide, deux poids inégaux, tomberaient avec la même vitesse, passait, aux yeux de tous, pour une proposition inadmissible ; elle suffisait à condamner toute théorie dont elle était le corollaire ; déjà Jean Philopon avait dû se défendre d’admettre semblable conséquence[1].

Paul de Venise, cependant, a fort bien dit, en un autre endroit[2], pourquoi cette proposition n’était nullement absurde dès là qu’on admet la théorie de Jean Philopon et d’Ibn Bâdja.

« À cette raison, voici ce que répondrait Avempace : Il n’est pas absurde que, dans le vide, des corps inégalement pesants se meuvent avec une égale vitesse ; ils n’ont, en effet, d’autre résistance que la résistance intrinsèque due à l’application du moteur au mobile qui accomplit son mouvement naturel or, dans le corps plus pesant et dans le corps plus léger, le rapport du moteur au mobile est le même ; ils se meuvent donc, dans le vide, avec la même vitesse ; dans le plein, au contraire, ils se mouvront avec des vitesses inégales en raison du milieu qui empêche le mobile de prendre son mouvement naturel. — Non est inconveniens in vacuo inæqualiter gravia æquevelociter moveri quia non habent resistentiam nisi intrinsecam ex applicatione motoris ad mobile facientem motum naturalem ; et quia eadem est proportio motoris ad mobile in graviori et leviori, ideo ambo æquevelociter moventur in vacuo ; in pleno autem inæqualiter moventur ratione medii impedientis mobile a motu naturali. »

C’est entrevoir clairement ce que nous exprimons, depuis Newton, en ces termes : Des corps inégalement pesants tombent, dans le vide, avec la même vitesse, parce qu’en tous, le rapport du poids à la masse a même valeur.

Contre la possibilité du vide, Aristote n’avait pas invoqué l’expérience ; Paul de Venise le fait, et à plusieurs reprises.

  1. Voir : Première partie, ch. VI, § II ; t. I, pp. 363-364.
  2. Pauli Veneti Op. laud., lib. IV, tract. II, cap. III, pars II, premier fol. après le fol. sign. xxv, col. a.