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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/84

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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

réalité, la sphère ultime, il n’est en un lieu ni de soi (per se) ni par accident. Cela est évident, car un corps qui, par nature, en sa totalité comme en ses parties, est réellement incapable de mouvement (secundum rei veritatem immobile), n’est en aucun lieu ; or il en est ainsi de ce corps céleste. »

Il nous faut bien comprendre l’intention de ces raisonnements.

À ceux qui voulaient, avec Camp anus ou Pierre d’Ailly, prendre pour lieu du Monde une sphère ultime immobile et rapporter à ce terme fixe tous les mouvements locaux, on n’avait cessé, de Duns Scot à Maître Albert de Saxe, d’adresser cette objection : Cette sphère est, selon vous, immobile de fait ; mais elle est capable de mouvement ; de son repos, on doit donc, comme du repos ou du mouvement de tout corps mobile, juger par comparaison avec un terme fixe ; où est ce terme fixe ? Nous voilà au rouet.

À cette argumentation, Georges répond que l’état de la sphère ultime n’est pas un repos de fait, qui soit la privation d’un mouvement possible ; la sphère ultime est une chose qui, absolument et par sa nature même, est incapable de mouvement, dont le mouvement ne se conçoit pas ; on n’a donc pas à examiner, à juger si elle est en mouvement ou en repos ; pour la déclarer dénuée de tout mouvement, on n’a que faire d’un terme fixe, d’un lieu.

C’est bien le complément que requérait la théorie péripatéticienne du lieu ; Aristote n’osait le lui donner ; Georges de Bruxelles va jusqu’au bout de la pensée du Philosophe[1].


B. Le vide et le mouvement dans le vide


Touchant la possibilité du vide, Georges professe la même opinion que Nicolaus de Orbellis et que Jean Hennon. « Le vide peut être réalisé, dit-il[2], par une puissance surnaturelle, mais il ne le peut être par aucune puissance naturelle… Un corps logé pourrait être anéanti, tandis que le lieu qui le contenait garderait sa grandeur et sa figure ; il est donc possible que le vide soit produit par une puissance surnaturelle. Quant à

  1. Georges de Bruxelles dit encore en un autre endroit : « Tout ciel mobile a un lieu par lequel il est contenu. En effet, au-delà des sphères mobiles, on doit supposer une sphère immobile qui contient toutes les sphères mobiles. » (Georgii Physicorum, lib. IV. Quæritur utrum tempus sit motus localis cæli ; éd. cit., fol. sign. H h 2, col. a.)
  2. Georgii Physicorum, lib. IV. Quæritur utrum possible sit vacuum esse per aliquem potentiam ; éd. cit., fol. sign. G g, col. c.