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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/86

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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

doit être prise proportionnelle à la grandeur du corps ; partant, pour tous ces corps, il y aurait même rapport entre le poids et la masse.

Très clairement, aussi, il reconnaît que cette proposition entraîne le corollaire que voici : En l’absence de toute résistance extrinsèque, un grand corps tomberait dans le vide exactement avec la même vitesse qu’un petit corps. Mais ce corollaire, où nous reconnaissons une grande vérité, le fait reculer comme une absurdité. Qu’un grand poids doive, même si l’on fait abstraction de la résistance de l’air, tomber plus vite qu’un petit poids, c’est une proposition qui paraissait aussi certaine qu’un axiome ; dès le temps de Jean Philopon[1], la fausse certitude de cette loi empêchait la notion de masse de pénétrer dans la Science et ne permettait pas à la Dynamique de formuler ses véritables principes.

Georges de Bruxelles croit, cependant, à cette « limitation de la puissance motrice » ; si, dans le vide même, la chute d’un grave doit requérir une certaine durée, cela tient, juge-t-il, au moins pour une part, à l’existence de cette limitation ; pour parer alors à l’objection qu’il a formulée lui-même, et fort bien, il a recours[2] aux plus fâcheux subterfuges. Comment, d’ailleurs, raisonnerait-il exactement à ce sujet ? Il se fait de la masse l’idée la plus fausse. En fidèle péripatéticien, il ne peut imaginer cette cause de lenteur en un mouvement sous un autre aspect que celui d’une force antagoniste. « Le mobile, dit-il[3], résiste à la force motrice comme un grave résisterait à la vertu motrice qui le voudrait soulever de la terre vers le Ciel, alors même que l’espace compris entre la terre et le Ciel serait vide. »

Pour que la Mécanique se pût constituer, il n’était pas de notion plus essentielle que la notion de masse ; il n’en est peut-être pas que l’esprit humain ait eu plus de peine à dégager des données de l’expérience.

Ce que nous venons de dire du mouvement dans le vide ne représenterait-il que l’opinion de Georges de Bruxelles, et Thomas Bricot serait-il d’une opinion toute contraire ? On le croirait volontiers. En effet, à la fin du quatrième livre des Physiques, après avoir traité du temps, le Cursus reprend ces deux doutes qui ont été, déjà examinés et résolus : Le vide

  1. Voir : Première partie, ch. VI, § II t. I, ; pp. 361-364.
  2. Georges de Bruxelles, loc. cit. ; éd. cit., fol. sign. Gg 2, col. b.
  3. Georges de Bruxelles, loc. cit. ; éd. cit., fol. sign. Gg 2, col. c.