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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/93

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

inférieures de la terre sont plus compactes que les parties supérieures. Cela ne peut être, semble-t-il, qu’en vertu de cette cause : Les parties supérieures compriment les parties inférieures. Ces parties là ont donc pesanteur. » Notre auteur répondra : « Les parties supérieures ne pèsent point sur les parties inférieures ; mais les parties supérieures sont plus poreuses, elles renferment plus d’air que les parties inférieures, proches du centre, qui sont très compactes. »

Il ajoute : « Si l’eau était actuellement grave en son lieu propre, celui qui aurait cent mille [livres ?] d’eau au-dessus de lui devrait bien en percevoir le poids ; cependant, il est faux qu’il le perçoive ; il ne perçoit pas une pesanteur plus grande que celui qui a seulement peu d’eau au-dessus de lui. »

Ce sont propos tout contraires à ceux que tenait l’Évêque de Cambrai ; en les proférant, Georges de Bruxelles s’interdisait, en bonne logique, d’épouser le sentiment de Pierre d’Ailly sur l’équilibre de la terre et des mers ; il n’a pas tenu compte de cette interdiction.

La théorie de l’équilibre de la terre et des mers une fois posée, Buridan en avait tiré toute une doctrine géologique que la plupart de ses disciples avaient adoptée ; Georges de Bruxelles admet pleinement cette doctrine.

Voici l’énoncé de la question que nous lui entendons discuter[1] :

« On émet le doute suivant : Des montagnes aussi grandes que celles que nous voyons peuvent-elles être détruites, et là où elles sont, la terre peut-elle redevenir une plaine ? D’autres montagnes aussi grandes se peuvent-elles former de nouveau ? Tout cela, en supposant, avec Aristote, que le Monde a toujours été et qu’il sera toujours ; [ou bien] en supposant que Dieu veuille laisser le Monde durer toujours et procéder d’une manière naturelle, sans miracle comme il procède à présent. »

Notre auteur commence par rappeler les trois causes assignées par Albert le Grand à la génération des montagnes, puis il poursuit en ces termes :

« Toutefois, Buridan dit que les très grandes montagnes ne sauraient être produites naturellement à moins qu’on n’invoque comme cause principale un mouvement simultané de toute la terre. À première vue, il semble qu’un tel mouvement soit impossible ; Aristote dit, en effet, au second livre Du Ciel,

  1. Georgii Metheororum, lib. II ; éd. cit., fol. sign. y, col. a, b et c.