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ANTONIA

Oui, notre sort réalisé,
C’était que ne soit pas abolie notre pensée ;

Et quand nos corps
Auront plongé dans la mort,
Quand nos âmes auront touché le port,

Notre hymen, ô femme des jours amers,
C’eût été que tu fusses mère,
Que je fusse père.
 
Cloches, chantez les bonnes espérances,
Chantez les souvenances,
Les âmes fidèles à leurs constances ;

Épandez, cloches, vos bourdons,
Et nous rêverons,
Nous nous recueillerons
Et nos blessures se consoleront.
 
Qu’ainsi mes yeux se ferment,
Que l’immobilité du chaos dans mon esprit germe,

Et que mes membres las s’étendent,
Que la nuit de la pensée descende.
 
Je ne veux plus vivre,
Je veux suivre
L’ondoiement des grands flux où l’on s’enivre.