Page:Dujardin - Antonia, 1899.djvu/177

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Le Vieillard

Elle est restée là, seule, immobile,
Tandis que les heures passaient et que le soleil s’élevait au-dessus de l’île ;
Et tel était le trouble dont son esprit
Et ses sens étaient remplis,
Que moi, qui l’observais,
C’est à peine si je la reconnaissais.


Le Jeune Homme

Chaque fois que j’ai voulu lui dire une parole,
Moi, de même, j’éprouvais cette angoisse folle
De voir en son visage
Des aspects inconnus, amers, sauvages,
Et de n’y plus trouver
Ces douceurs dont nous étions accoutumés.


Le Vieillard

Ton angoisse, ô jeune homme, étrangement répond
Aux inquiétudes où mon esprit se confond.


Le Jeune Homme

Quoi ? toi-même, ô maître,
Il t’a semblé, voyant la reine, à peine la reconnaître ?


Le Vieillard

Ainsi, toi-même, par trois fois
Tu as senti, voulant lui parler ; hésiter ta voix ?