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LA FIN D’ANTONIA

Je laisse
La gloire et mon règne et ma beauté d’enchanteresse.
…Et cela est effacé
Et ce passé,
Ô moi qui renonçai, m’est pardonné.

Aujourd’hui
Je suis venue vers la montagne et vers la nuit.
Dans la solitude où nul désir n’a pu me suivre
J’ai voulu vivre
La vie libératrice
Par qui mon destin s’accomplisse.
De même que les ermites
Quittaient la foule qu’ils avaient maudite,
De même que les mages
S’exilaient par les sites sauvages,
Que les croyants
Au fond des couvents
Entraient dans l’ombre et le renoncement,
De même que les sorciers
Suscitateurs des mondes étrangers,
De même que tout ce qui délaissa le monde,
Que tout ce qui s’arracha du monde,
Que tout ce qui se recréa le monde,
Moi, nouvelle croyante, moi, nouvelle sorcière,
Ascète nouvelle, nouvelle dédaigneuse de la terre,
Ô nuit, ô montagne,
Vers ces sommets où rien d’humain ne m’accompagne