Page:Dujardin - De Stéphane Mallarmé au prophète Ezéchiel, 1919.djvu/86

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Note Complémentaire


En relisant les dernières épreuves de cette étude, entreprise depuis si longtemps et si longuement travaillée pourtant ! je m’aperçois que quelques mots encore sont nécessaires, qui auraient dû trouver leur place aux pages 56 et 57 et qu’on m’excusera d’ajouter en sorte de postscriptum.

Je pense avoir exposé suffisamment, bien que brièvement, comment j’étais arrivé à concevoir la définition de la prose et de la poésie autrement que M.  Jourdain, et non plus par le dehors, mais par le dedans. J’ai dénommé prose tout langage qui procède de la pensée raisonnante (Jules Romains disait discursive) ; poésie, tout langage qui procède du jaillissement. C’est ainsi que j’ai donné comme exemple du langage poétique la Bible, et comme exemple du « penser en prose » les trois quarts des œuvres en vers de nos auteurs « Théâtre-Français » et « Odéon ».

J’aurais dû expliquer également ce qu’on doit entendre par le lyrisme, et montrer quelle a été l’erreur de ceux qui ont identifié les mots « lyrique » et « poétique ». Le mot « lyrique » a un synonyme ou du moins un quasi-synonyme, et c’est le mot « musical ». Le lyrisme est, en littérature, l’état musical ; et cet état n’est aucunement propre à la poésie. Il peut y avoir du lyrisme aussi bien dans le monde du raisonnement, c’est-à-dire de la prose (voir Pascal), que dans le monde du jaillissement, c’est-à-dire de la poésie.

De la définition du lyrisme je serais arrivé tout droit à celle du ritme. Le ritme est, en effet, un moyen d’expression musical, que la littérature emprunte à la musique précisément quand elle est lyrique. Il y a là toute une théorie que je ne puis développer ; nous ne faisons pas ici d’esthétique ; nous essayons de préciser une formule d’art.