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À la mémoire de Joseph Halévy


Professeur à l’École des Hautes Études,
mort, dans sa 90e année, le 21 janvier 1917.


Je l’ai vu pour la première fois il y a dix ans ; j’allais lui porter un livre qui lui doit beaucoup ; depuis longtemps je m’étais instruit de ses travaux ; c’était un maître sémitisant.

Hébraïsant au point de composer des poésies en hébreu, il savait quasiment toutes choses de ce qui voisinait aux études sémitiques ; des dialectes arabiques, il avait passé aux iraniens et avait affronté le sanscrit ; il lisait les écritures égyptiennes aussi bien que le cunéiforme : il professait les langues touraniennes, donnait des leçons d’assyriologie ; le grec et le latin, bien entendu.

Quant aux langues européennes vivantes, il s’étonnait qu’un chacun ne les entendît toutes ; leurs syntaxes et dictionnaires n’ayant point d’obscurités, disait-il, quelle peine y avait-il à les apprendre ?

Il était né à Andrinople, mais il ne vint à Paris que vers la quarantaine ; qu’avait-il été jusque-là ? des légendes couraient ; on racontait qu’il avait été portefaix à Constantinople.

Joseph Derembourg l’eut pour secrétaire ; il se fit naturaliser Français ; personne ne lui connut de famille en France ; sa vie, pendant cinquante ans, se distribua entre la Sorbonne, le Séminaire israélite et la Société Asiatique, où ses querelles avec Oppert réjouirent le monde savant d’un regain homérique.

Il habitait, rue Champollion, au centre le moins heureusement