Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/36

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bourdonnantes, les yeux clos puis ouverts dans le vert de l’eau, la peau agacée et frémissante, une caresse, comme une volupté ; oh, cet été, quelle joie d’aller à la mer ; sans doute irons-nous à Yport ; ma mère aime ce pays ; la forêt, la falaise ; ah, dans la cuvette se plonger ; sur mon cou l’éponge jaillissante, sur ma poitrine la fraîcheur, un très peu parfumée, de la bonne eau ; ma serviette ; ouf ; je me suis fait raser à midi ; cela suffit pour aujourd’hui, si je me pouvais raser ; on ne se rase jamais bien ; garder ma barbe ne me conviendrait pas. Me voilà présentable ; on doit toujours être sur ses gardes ; je vais chez Léa ce soir ; eh, eh ; si j’y trouvais asile ; ce serait amusant… Allons, allons… Où est ma brosse-à-cheveux ? C’est étrange comme les demoiselles sans vertu peuvent supporter tant de gens ; bah ; et nous qui les admettons toutes. Mais je suis minutieusement net ; bravo ; vite, faut s’habiller ; j’aurais froid ; une chemise blanche ; hâtons-nous ; les boutons des manches, du col ; ah, le linge frais ! que je suis bête ; dépêchons-nous ; dans ma chambre ; ma cravate ; mes bretelles sont laides, je les ai affreusement choisies ; mon gilet ; dans la poche, ma montre ; ma jaquette ; j’oubliais brosser un peu mes bottines ; tant pis ; non, un simple coup de brosse ; ma brosse-à-habits ; ce n’est qu’un peu de poussière ; une, deux ; maintenant, ma jaquette ; la cravate est à sa place ; parfait ; je suis prêt ; je puis partir ; mon mouchoir ; mon porte-cartes ; très bien ; quelle heure est-il ? huit heures et demie ; je ne vais pas partir si tôt ; alors asseyons-nous, là, dans le fauteuil ; j’ai une heure à attendre ; qu’on est tranquille ici ! tout-à-fait tranquille et si enviablement ; rien ne vaut, mon cher garçon, une bonne sieste, dans un bon fauteuil, après un quart d’heure de toilette et de bon barbotage dans l’eau fraîche.