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LES LAURIERS SONT COUPÉS[1]

VIII


Dans les rues la voiture en marche… Un de la foule illimitée des existences, telle je mène désormais ma course, un définitivement des effacés innumérables ; tels se sont à moi créés l’aujourdhui, l’ici, l’heure, la vie, et qui s’essorent en le désir ; pour connaître comment l’originel en une âme se désagrège, voici qu’une âme vole à des songes d’embrassement ; c’est un féminin, l’aujourdhui ; c’est une chair féminine touchée, mon ici ; mon heure, c’est une femme à qui je m’approche ; c’est l’étranger où pénétrer, ma vie et le désir désespérément épars ; et voici l’à-présent éternel de ce que je rêve, cette fille en ce soir-ci… Et bourdonnent les fonds, les rues, le boulevard, les bruits assourdis, la voiture qui marche, le cahotement, les roues sur les pavés, le soir clair, nous assis et dans la voiture, le bruit et le cahotement qui roulent, les choses régulières en défilés, la nuit délicieuse.

— « N’est-ce pas » Léa parle « que cette nuit est vraiment poétique et tout-à-fait délicieuse ? »

  1. Voir la Revue Indépendante, 7, 8 et 9.