Page:Dujardin - Les Premiers Poètes du vers libre, 1922.djvu/22

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présentent la même suite de vers de onze, douze, treize syllabes. Gabriel Mourey est, dans les Flammes Mortes disciple de Verlaine.

Autre exemple : le poème de Jean Ajalbert intitulé Sur les talus, paru en 1887, dans lequel une série de vers qui semblent être des vers libres s’intercale entre deux séries d’alexandrins. Je dis « qui semblent être des vers libres », en entendant des vers libres modernes ; mais ce sont là plutôt des vers libres dans l’acception ancienne de l’expression, bien que libérés. Pourquoi ? parce qu’ils sont loin de donner le sentiment d’être tous des « unités » et aussi parce que les syllabes y apparaissent malgré tout comme numérées.

Ajalbert, qui depuis a renoncé à l’écriture en vers, ne paraît pas, en effet, avoir été pénétré de ce que contenait le vers libre moderne ; c’était un humoriste sentimental ; il se plaisait aux notations délicates, un peu ironiques, toujours émues ; après avoir employé l’instrument que lui fournissait la tradition, il a trouvé dans l’emploi de vers irréguliers un nouvel instrument dont il lui a plu de tirer de jolis accords. Son poème est pourtant plus près du vers libre que ceux de Gabriel Mourey ; j’ai cru devoir le placer dans le tableau des premiers vers-libristes, parce que, après tout, la discussion reste possible sur son cas, alors qu’elle ne l’est pas sur le cas de Gabriel Mourey. Ces