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les premiers poètes du vers libre


être l’intermédiaire entre le vers libre et le poème en prose ; ce n’est encore qu’une apparence.

En réalité, le verset est une sorte de vers libre élargi, le plus souvent composé lui-même de plusieurs vers libres étroitement associés, à l’exemple du verset biblique ; il peut ainsi s’allonger, ou se réduire à un seul vers libre, même à un seul pied rythmique. Comme le vers libre, qui est composé de pieds rythmiques et est lui-même une sorte de pied rythmique supérieur, le verset est essentiellement une unité. Nous retrouvons là, on le voit, la caractéristique du vers, et non celle du poème en prose.

On se rappelle les admirables lignes de Mallarmé : « En vérité… il y a l’alphabet ; et puis, des vers plus ou moins serrés, plus ou moins diffus… » Et c’est pourquoi j’ai cru (depuis longtemps et de plus en plus) qu’il était possible de trouver une forme qui passerait, sans transition et sans heurt, de la forme vers à la forme prose, suivant l’état lyrique du moment, et, toujours sans heurt et sans transition, serait elle-même vers libre, verset et poème en prose, dans une succession de pieds rythmiques tour à tour serrés en vers, élargis en versets et dilués en quasi-prose[1].

  1. Le tout restant toujours dans l’ordre de pensée poétique et ne descendant jamais au mode de pensée logique et rationnel qui est le propre de la véritable prose ; mais nous ne nous occupons ici que de technique, et n’avons pas à rechercher en quoi le domaine poétique diffère du domaine de la prose.