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LES PREMIERS POÈTES DU VERS LIBRE

latin, et suis élève du poète anonyme de l’Office du Saint-Sépulcre.

Dans ces lignes, Vielé-Griffin précise ce qui a été notre cas à tous ; ensemble, bien que par des voies différentes, nous arrivions au vers libre, et, arrivés au vers libre, nous hésitions… Vielé-Griffin continuait à écrire et à publier des vers réguliers ; Gustave Kahn ne donnait d’abord dans la Vogue que des pièces entièrement en vers réguliers ; Laforgue, après avoir écrit des vers libres, publiait le Concile Féerique ; Moréas, pour des raisons très différentes, se demandait s’il devait risquer l’aventure ; Albert Mockel nous a raconté ses incertitudes ; moi-même, après une première tentative, je marquais un temps d’arrêt…

Aujourd’hui que le vers libre a conquis sa grande place au soleil, les jeunes gens s’étonneront de ces timidités !

Le prestige de Hugo, disait tout à l’heure Vielé-Griffin ; et le prestige d’une tradition de plusieurs siècles ! et puis, Banville n’avait-il pas écrit que la beauté du vers consiste dans la difficulté vaincue ? À écrire des vers irréguliers on se faisait juger incapable d’en écrire des réguliers, car ce n’est que plus tard qu’on se rendit compte, tout au contraire, que s’il y a des recettes pour composer de « beaux vers » parnassiens, il n’y en a pas pour de beaux vers libres. Nous le disions plus haut,