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LES PREMIERS POÈTES DU VERS LIBRE


la haute valeur du geste de Gustave Kahn est d’avoir, avec la Vogue et les Palais Nomades, osé le premier arborer le drapeau de la révolte et affronter le haro. L’honneur en est infiniment plus grand qu’à une « invention » historiquement discutable et sociologiquement impossible.

Parmi les jeunes gens qui, au cours des années 1886-1888, instaurèrent le vers libre dans la poésie française, quelques-uns ont tenu un rôle important, quelques-uns un rôle plus effacé ; et encore n’avons-nous pu parler que de ceux qui publièrent leurs essais ; à côté d’eux et avec eux il aurait fallu en citer d’autres, tels, par exemple, le musicien Xavier Perreau qui, après de longues recherches prosodiques, esquissa alors un drame en vers libres destiné à la musique ; Jean Thorel, qui finalement s’en tint au poème en prose ; Saint-Pol-Roux, qui, dans ses proses comme dans ses vers, est demeuré aux confins du vers libre. Mais il est juste de dire que tous (ou du moins la plupart) mirent à ces recherches tout leur cœur et tout leur esprit, et que cette réforme de l’instrument poétique (nécessairement conjointe à la réforme de la pensée poétique), pour avoir été inaugurée par Rimbaud, n’en fut pas moins leur œuvre commune, en même temps et parce qu’elle était le produit nécessaire de l’évolution de la poésie française.