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— « Il va mourir ! »

Elles s’acharnaient à préparer le foulard ou le gilet inutiles. L’impuissance les laissait délicieusement pitoyables et absurdes. Les jeunes femmes, les sœurs, les amantes et les stériles, — après la première stupeur —, menèrent la farandole patriotique. Elles chantèrent la Marseillaise avec les partants, les fleurirent et les abreuvèrent. Parce que leur jeunesse avait accueilli l’hommage des mâles, leur beauté et leur volonté de vivre réclamaient impérieusement leur héroïsme. Certes, elles ne savaient pas à quelle loi naturelle elles obéissaient. Ce droit était tellement indéniable que les adolescents eux-mêmes étaient reconnaissants du sourire dont elles accompagnaient leur ordre de combattre. Et les mêmes êtres, qui, huit jours auparavant, se seraient pâmés devant l’accident d’un inconnu, envoyaient avec pompe leurs hommes à la Camarde. Farouches surveillantes du courage, elles dévisageaient tout ce qui était jeune, fort ou beau dans la rue et tout civil qui ne justifiait pas son inaction par une tare visible, reçut les regards les plus méprisants et les allusions les plus cinglantes.

Ah ! elles ne badinèrent pas avec la mort, nos Françaises, si fines et si frivoles, et elles remplirent merveilleusement leur rôle de policières civiques.

Lorsque la mobilisation fut presque achevée, lorsque les trains transportèrent enfin autre chose