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elle de vagues souvenirs, et cependant, rien ne se précisait en son esprit. Comme elle en avait le temps, elle passa régulièrement devant la portière où venait de disparaître l’homme. Au second va-et-vient, leurs yeux se croisèrent, et alors, ce fut l’ahurissement. Celui qui partait, une mince valise à la main, c’était Marcel Dumont, dont l’amour et la trahison avaient déterminé toutes les erreurs de conscience de Rhœa. Elle s’enfuit ; mais lui, l’avait reconnue et il courut à elle.

Ceux qui se souviennent encore de l’émotion de ces heures terribles, n’ont pas oublié que toute rancune disparaissait alors, et que les ennemis les plus irréconciliables se tendaient la main, et se rapprochaient en un instinct de groupement. On se serrait, on s’appuyait les uns sur les autres pour faire masse contre le danger… Et puis… tout semblait si mesquin des anciens drames individuels…

— Permettez-moi de vous saluer, Madame, dit-il en la rejoignant. Je vois que vous aussi, vous allez au devoir.

— Mais, fit Rhœa, laissant tomber des doigts tremblants dans la main qu’on lui tendait, il me semble que vous avez dépassé l’âge du service.

— Non, non… souvenez-vous, j’étais un peu plus jeune que vous, autrefois. Maintenant, je suis beaucoup plus vieux, car vous êtes toujours jolie, tandis que moi…

Il la laissa quelques secondes faire le tour des