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et c’est contre des pierres branlantes qu’elle s’affaissa.

Quelques nuages se paraient au ciel des franges roses de l’aurore, quand les chevaux d’une patrouille martelèrent le sol de la cadence de leurs pas. Ce bruit secoua la torpeur de Rhœa qui se frotta les yeux. Voyant auprès d’elle une fleurette épanouie, elle crut positivement avoir rêvé, et sourit. Mais, là-bas, sur la route, où des soldats avançaient, elle ne reconnut pas l’uniforme français et son cœur se serra. Subitement dressée, elle se dissimula, — tout en contournant les gravats, — les yeux fixés sur les uhlans et sans s’inquiéter de ce que ses pieds pouvaient fouler. La troupe de cavaliers passa sans la soupçonner ; et elle se disposait à poursuivre sa course, quand elle se sentit tirée par le bas de sa jupe. Elle baissa les yeux et ne put retenir une exclamation. Un moribond, à demi enseveli sous des pierres avait saisi sa robe avec les dents, n’osant ni se plaindre, ni appeler. Il s’excusa à voix basse :

— Pardonnez-moi, Madame, j’ai les deux bras cassés et le flanc droit ouvert. Mon ordonnance m’avait mis à l’abri derrière cette bâtisse, mais un obus a précisément éclaté sur le toit.

— Puis-je quelque chose pour vous, dit-elle.

— Oui je vais mourir… Je me suis bien battu et je voudrais savoir… si on les a repoussés…

Rhœa baissa la tête.