Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 162 —

— Quéque t’as donc ? fit la mère inquiète après avoir souhaité le bonjour à sa maîtresse.

— Elle a ?… une chose épouvantable ! Mère Tiennet, j’ai peur que le ciel nous ait réservé le pire des supplices ; car, moi aussi, j’ai les mêmes malaises que Lida ; moi aussi, je redoute…

— Que madame se rassure ! se récria la soubrette.

Elle sourit soudain avec toute la cruauté de sa jeunesse.

— Ce ne peut pas être la même chose pour vous. À l’âge de madame !

Une rougeur monta aux bajoues de la châtelaine ; elle eut honte de ses rides, mais un espoir la rafraîchit. Sans s’offusquer d’une réflexion, qu’autrefois, elle eût frappée d’un renvoi, elle reprit :

— Dieu vous entende ! mais pour Lida, la chose me paraît certaine.

— Quoi donc ? s’impatienta la paysanne ?

— Mère Tiennette, vous y avez certainement déjà pensé, car les femmes sont plus fines que les hommes. Que vous ont fait craindre les malaises de la petite ?… Soyez franche !

— Mais… puisqu’elle a résisté ?

La baronne fit « non » de la tête, ses yeux dans les yeux de la femme.

— Jésus ! nous sommes maudits !

Elle s’écroula sur les deux genoux et longtemps on n’entendit sous ce modeste toit que des sanglots et des prières. De l’intérieur — par la fenêtre — on